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NOTES D’UNE FRONDEUSE

des prêtres à cheveux blancs, comme des malfaiteurs, hors des chapelles — où l’hostie est renfoncée à coups de poing dans les tabernacles !

Ses gendarmes marchent contre des femmes, des vieillards, des petits enfants. Si bien que, même aux profanes, aux mécréants, à ceux que la grâce, hélas, n’a point touchés, cette persécution, cette proscription paraissent grotesques et odieuses.

Attendez, il y a plus ! Voici l’entreprise d’Indo-Chine, ses défaillances, ses folies, ses crimes. « Ferry-Tonkin ! » clament, les cheveux épars, le sein déchiré, toutes les mères, les fiancées, les sœurs, les veuves, dont les bien-aimés sont demeurés là-bas, dans la brousse ; foudroyés par le soleil ; fracassés de projectiles ; écrasés à coups de crosses… ou lentement, lentement, suppliciés par les Asiates !

Oh ! cette séance, à la suite du désastre de Lang-Son ; cette séance où l’homme mentit, puis s’enfuit, sous les huées, et ne dut son salut qu’à l’échelle accédant aux jardins du ministère des Affaires étrangères ! Place de la Concorde, rue de Bourgogne, vingt mille hommes hurlaient : « À mort Ferry ! »

Il a fait allusion à ces choses, l’autre fois ; savourant sa brève revanche ; tourné vers l’Élysée ; rêvant de dédommagements encore plus inouïs.

Il n’avait pas prévu les Ides de mars. Elles lui furent, pourtant, toujours défavorables. L’exécution publique dont j’ai parlé tout à l’heure eut lieu le 29 mars 1885. Trois ans plus tard, le 20 mars 1888, les passants, avenue de l’Opéra, donnaient une chasse éperdue au fiacre qui portait Ferry et sa fortune ;