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NOTES D’UNE FRONDEUSE

Il vous faudrait ramasser vos forces, comme Jacob, pour lutter contre l’ange, l’inconnu, l’invisible formidable qui s’élabore, molécule par molécule, dans l’alambic populaire ; et vous vous affirmez quiets, béats, tranquilles… oh ! combien !

Ce serait risible, si les passionnés de liberté ne vous voulaient male-mort d’ainsi préparer la dictature, avant que surgisse le dictateur ; de ne pas comprendre qu’il en est de l’histoire comme de la nature, se livrant à des essais avant que de créer le modèle : que l’une fait l’huître, la bête, avant l’homme, que l’autre ébauche Robespierre, Augereau, des engouements éphémères, des popularités factices, avant l’avènement de Bonaparte — et que le jour où Boulanger se tua commença le boulangisme !

Monsieur Demain ! Pensez-y ! J’ai l’effroi de César et l’horreur de Tibère : c’est l’un ou l’autre que recèle l’horizon. À moins que les Barbares n’arrivent… les Barbares, créateurs de civilisations nouvelles, exterminateurs d’un monde pourri !


FIN