Page:Séverine - Notes d'une frondeuse, 1894.djvu/37

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
26
NOTES D’UNE FRONDEUSE

quand nous étions tout petits, il y a une belle sentence qui se peut traduire ainsi : « Ne souhaitez pas à autrui ce que vous ne voudriez pas qu’on vous fît à vous-mêmes, » C’est très juste… et c’est très roublard.

Car, il en est des sergots — sauf leur respect ! — comme de tous les animaux dressés pour la chasse : ils y prennent goût.

Il y a l’entraînement de l’assommade, comme il y a l’entraînement de la bataille. Quiconque a tambouriné avec joie sur un crâne plébiscitaire, « sonnera » avec délices une caboche socialiste. Et quand la botte d’un agent entre en rapport direct avec les assises d’un citoyen, le choc se produit toujours avant que le citoyen ait eu le temps de décliner ses opinions.

C’est pourquoi je me méfie quand je vois les gardiens de la paix en humeur guerrière ; c’est pourquoi je considère toute intervention de la police dans la rue comme menaçante pour nous autres !… même quand elle est dirigée contre des adversaires ou des indifférents.

Et ces brutalités du 9 avril sont tout bêtement — à moins que le gouvernement ne ménage la Révolution par peur de la Boulange — l’apéritif de notre 28 Mai.

Mais ce n’est pas tout.

Mes indignations se sont heurtées, fréquemment, à ce qu’on appelle, « en style de gouvernant, la raison : d’État ; à ce qu’on appelle, en style de révolutionnaire, le qu’en-dira-t-on du Parti.

Or, je voudrais précisément que ce qu’en-dira-t-on fût mis de côté ; je voudrais que toutes fois qu’un acte mauvais ou vil est commis par le pouvoir, la Sociale demandât la parole et dénonçât l’infamie — eut-elle un intérêt direct à cette infamie-là !