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NOTES D’UNE FRONDEUSE

Nous ne sommes pas des politiciens, nous autres ; et c’est parce que nous ne sommes pas des politiciens que nous n’avons ni à biaiser, ni à ruser. Nous n’avons point deux morales, comme les académiciens, nous n’avons qu’une honnêteté, qui est faite moitié de logique, moitié de probité.

La probité fait rarement défaut, chez nous — la logique, souvent.

C’est cependant à la logique que j’entends faire appel.

Nous assistons, en ce moment, à un duel curieux entre les opportunistes et les boulangistes : les uns ont la force, les autres la foule. À mon humble avis, n’était besoin ni de s’allier à M. Ferry, ni de s’inféoder à M. Boulanger ; le parti socialiste pouvait se croiser les bras, demeurer témoin, et attendre l’issue de la lutte pour y jouer le rôle du troisième larron.

D’autres ont pensé autrement — et l’Être suprême me garde de discuter le mot d’ordre des états-majors ! Je donne là une opinion personnelle que je n’ai jamais essayé d’imposer à aucun ; et je la donne pour ce qu’elle vaut, sans m’’attarder à la défendre.

Mais ce que je m’acharne à soutenir par exemple, de toute l’énergie de ma conviction, c’est notre devoir de protester contre certains actes : d’abord, parce qu’ils sont odieux ; ensuite, parce qu’ils sont une menace envers nous et nos idées.

Dans la lutte dont je parlais tout à l’heure, il y a eu intervention policière, il y a eu des faits malpropres contre lesquels nous devons crier, sans nous soucier s’ils se sont passés chez celui-ci ou chez celui-là.

Pour avoir une correspondance du général Boulanger, la Sûreté générale a simulé un vol, forcé des secrétaires, faussé des serrures — disons que c’est une infamie !