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NOTES D’UNE FRONDEUSE

veut l’entendre qu’il n’a voulu être épousé ni pour sa généalogie, ni pour son revenu.

De là une sympathie profonde, dans le public, pour celles qui, très riches d’argent ou très riches de célébrité, s’unissent à un loyal et brave garçon très riche seulement de sentiment.

Ici, les situations d’intérêt sont égales ; mais c’est vous, petite fée blonde, qui mettez dans la corbeille un beau rayon de gloire, clair comme une lame d’épée et doré comme vos cheveux. Et Paris, qui le sait, a vers vous un grand élan de tendresse — vous êtes l’enfant de ses prédilections !

Tout ce que la ville renferme d’amoureux et d’amoureuses ; toutes les femmes, jeunes ou vieilles, pauvres ou opulentes, gracieuses ou laides, s’intéressent, depuis des mois, à ce joli et chaste roman d’amour qu’on a deviné mieux qu’on ne l’a connu, et qui a fleuri à l’ombre du renom paternel, comme ces pâles violettes écloses au pied des chênes géants.

On vous voyait peu, chère petite, mais on vous devinait au parfum de votre grâce, de votre fraîche jeunesse, de cette candeur singulière qui vous a fait rester une enfant modeste, alors que vous auriez pu si facilement devenir amazone altière ou mondaine évaporée.

Et je ne saurais dire à quel point on vous a su gré de n’adopter ni les allures américaines, ni les manières anglaises ; de ne paraître ni une excentrique, ni une masculine ; mais de demeurer, en toute simplicité et en tout charme, une Française, une jeune fille de la vieille école, arriérée à ce point de daigner rougir encore et d’oser baisser les yeux.

Aussi, vous allez avoir un beau cortège, ce midi — le cortège de celles qui se marient selon leur cœur ; de celles qui semblent, dans leur costume d’apparat,