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NOTES D’UNE FRONDEUSE

en robe de tous les jours, tant le blanc leur sied à ravir, tant la fleur d’oranger gagne de virginale splendeur à toucher leur front !

Et l’on va vous emmener bien loin, au pays même qui fut le berceau de la fortune du général Boulanger, qui fut un peu le vôtre aussi.

Que la vie vous y soit douce, qu’elle vous y prodigue toutes ses ivresses, qu’elle vous y épargne toutes ses amertumes !… Mais remplissez, là-bas, cette inconsciente et angélique mission que le sort, dans les tragédies modernes, semble vous avoir dévolue.

Fille de soldat, soyez bonne aux soldats dont un climat meurtrier calcine le sang et brûle le cerveau ; compatissante aux détresses des tristes petits piou-pious qui, loin du « patelin », agonisent de peine autant que de mal au fond des infirmeries — que votre intercession s’exerce même en faveur des rebelles que désarmera le clair regard de vos yeux de pervenches bien plus que la terreur de l’inexorable châtiment !

L’armée vous a prise à votre père, et vous voilà non pas le chef, mais la sœur « d’une nombreuse famille », pour faire variante à un refrain de vous bien connu… Eh ! bien, chère enfant, acceptez cette fraternité, et représentez là-bas tout ce que le cœur paternel peut contenir de sollicitude pour ses humbles compagnons d’armes.

Puis, si jamais, de ce côté-ci de la mer bleue, la mitraille étrangère fait trou en chair française, accourez, accourez vite avec nous, à la première ambulance d’avant-poste !

Tel est votre rôle, petite mariée d’aujourd’hui ; — Marcelle Driant, soit ; mais toujours Marcelle Boulanger !