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NOTES D’UNE FRONDEUSE

Ma parole, on aurait juré que, dans votre valise, il y avait la cuirasse et les brassards de fer, toute la carapace du temps, retirée, avant que de se mettre en route, pour ne point attirer l’attention.

C’était charmant et émouvant, ce groupe symbolique d’une vierge et d’un soldat !

On le reverra aujourd’hui, dans des conditions autres, avec le carillon des cloches, l’envolée de l’encens, le rayonnement des cierges, et le long vivat du peuple accouru.

C’est presque une apothéose — je n’y ai que faire ! Mais j’ai voulu vous écrire ceci parce que je sais des gens pour lesquels l’innocence, la grâce, l’amour, ne sauraient obtenir une trêve de vingt-quatre heures, dans la lutte ignoble des partis.

Déjà on a commencé.

Il vous a été reproché de vous marier chrétiennement, pauvre fillette, comme si vous n’étiez pas étrangère aux choses de la politique ; comme si vous n’aviez pas le droit de prier qui vous plaît, et de préférer la bénédiction de Dieu à celle de Cattiaux !

On continuera ; et l’on essaiera de tacher d’encre votre blanc bonheur.

Ces taches-là ne comptent pas ! Seulement, vous qui êtes une croyante, ajoutez un bout d’oraison à vos dévotions, pour qu’à la sortie de l’église la bêtise ou la férocité de nos maîtres n’éclabousse pas de rouge votre jupe immaculée.

Que le destin nous en garde !…

Mais si ce crime était commis, petite Marcelle, vous iriez, au bras de votre mari, dans les prisons ou les hô-