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NOTES D’UNE FRONDEUSE

fois, ne pas manquer de charme. Il aimait tout ce que je hais : le sabre et le canon, la guerre et la tuerie ; et s’il ne haïssait pas tout ce que j’aime, il ne s’en fallait guère ! Puis, je le répète, son œuvre paraissait quasi gouvernementale… il était le « Moniteur » officiel de toutes les Sociétés de gymnastique de France et de Navarre.

Or, le côté du manche m’inspire une horreur invincible ; dès que les autorités patronnent une œuvre, la phrase du Guillotiné par persuasion me revient en mémoire — j’ai de la méfiance ! Enfin, si je ne nourris point de haine spéciale contre la gymnastique, qui est l’art de se casser les reins un peu plus savamment que les autres, les chienlits dont s’affublent quelques gymnastes m’inspirent une inextinguible hilarité.

Ce n’était pourtant pas Déroulède qui choisissait les costumes, décrétait les nuances, ajoutait un pompon par-ci, un plumet par-là, comme un brave père habille son rejeton morveux en zouave ou en cuirassier. N’importe, je l’en rendais responsable — il me semblait un arc-en-ciel vivant : le bienheureux patron des teinturiers

C’est à l’enterrement de Hugo que je le vis pour la première fois ; de haut, de très haut même — du cinquième étage d’où nous contemplions le défilé.

Tout à coup, quelqu’un dit : « Voilà la Ligue des Patriotes ! » Très profonde, très serrée, une masse s’avançait, barrant la large rue de son flot profond. En tête, quelque chose de haut, de long, de mince, que je distinguais insuffisamment.

— Tiens, fis-je, ils ont un drapeau ?

— Où ça ?