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pourroit bien le conduire du milieu de son désert dans le milieu de l’enfer. Ce seroit un beau chemin ; il n’eût pas été besoin de prendre tant de peines : s’il ne va que là, on y va fort bien de partout. Je craindrai donc pour son salut, jusqu’à ce que vous m’en assuriez : je vous crois, et je sais que vous êtes tout comme il faut pour n’être persuadée qu’à bonnes enseignes. Dieu est tout-puissant, qui est-ce qui en doute ? Mais nous ne méritons guère qu’il nous montre sa puissance.

Je suis fort aise que M. de Grignan ait bien harangué : cela est agréable pour soi ; on ne se soucie pas des autres. M. de Chaulnes parla bien aussi, un peu pesamment ; mais cela n’étoit pas mal à un gouverneur. Pour Lavardin, il a la langue bien pendue. J’ai mandé à Corbinelli qu’assurément son paquet avoit été perdu avec tant d’autres lettres que je regrette tous les jours.

Adieu, ma chère enfant, je vous aime si passionnément que j’en cache une partie, afin de ne vous point accabler. Je vous remercie de vos soins, de votre amitié, de vos lettres : ma vie tient à toutes ces choses-là.


1671

213. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.

Aux Rochers, mercredi 21e octobre[1].

Mon Dieu, ma bonne, que votre ventre me pèse ! et que vous n’êtes pas seule qu’il fait étouffer ! Le grand

  1. Lettre 213 (revue sur une ancienne copie). — 1. Cette lettre est ainsi datée dans le manuscrit, de même que dans l’édition de 1754. Celle de 1734, où le premier aliinéa manque, et les éditions de 1720 la datent du 4 novembre.