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l’annonça, ce fut un cri de Vive le Roi qui fit pleurer tous les états ; chacun s’embrassoit, on étoit hors de soi : on ordonna un Te Deum, des feux de joie et des remerciements publics à M. de Chaulnes[1]. Mais savez-vous ce que nous donnons au Roi pour témoigner notre reconnoissance ? Deux millions six cent mille livres, et autant de don gratuit ; c’est justement cinq millions deux cent mille livres : que dites-vous de cette petite somme ? Vous pouvez juger par là de la grâce qu’on nous a faite de nous ôter les édits.

Mon pauvre fils est arrivé, comme vous savez, et s’en retourne jeudi avec plusieurs autres. M. de Monterey est habile homme ; il fait enrager tout le monde : il fatigue notre armée, et la met hors d’état de sortir et d’être en campagne qu’à la fin du printemps[2]. Toutes les troupes étoient bien à leur aise pour leur hiver ; et quand tout cela sera bien crotté à Charleroi, il n’aura qu’à faire un pas pour se retirer ; en attendant, M. de Luxembourg ne sauroit se désopiler[3]. Selon toutes les apparences, le Roi ne partira pas sitôt que l’année passée. Si, pendant que nous serons en train, nous faisions quelque insulte à quelque grande ville, ou que quelqu’un voulût s’opposer


    satisfaite de l’obligeante manière avec laquelle les états lui avoient accordé leur don gratuit, et que répondant favorablement aux plaintes de l’assemblée, Elle avoit bien voulu leur accorder l’extinction et suppression de la chambre royale du Domaine, la révocation de plusieurs édits et une modification des autres. »

  1. 4. Le Roi écrivit au duc de Chaulnes pour lui témoigner sa joie de ces « marques de reconnoissance et d’allégresse publique. »
  2. 5. Dans l’édition de 1754, Perrin a ainsi corrigé la phrase : « avant la fin du printemps. » Dans l’édition de la Haye (1726), on lit à la ligne précédente servir, au lieu de sortir.
  3. 6. Se dégager. Désopiler, c’est ôter les obstructions. La locution a choqué l’éditeur de Rouen (1726), qui y a substitué ces mots : « ne pourra avoir ses coudées franches. »