madame de Grignan l’a bien été ; c’est tout dire[1]. » Mais il ne
lui était rien resté de ce défaut. Bussy l’avait baptisée la plus
jolie fille de France. Tréville, dont, à la cour, les mots étaient
reçus comme des oracles, prédit, quand s’y leva le nouvel
astre, que « cette beauté brûleroit le monde. » Madame de Sévigné a dit qu’une extrême facilité à rougir, que sa fille tenait
d’elle, avait été le vrai rabat-joie de sa beauté, et que mademoiselle de Sévigné en quittait le bal et les grandes assemblées[2]. Elles n’en paraissaient sans doute moins belles ni l’une
ni l’autre. On croit les voir toutes deux, avec cette charmante
ressemblance, se prêtant un mutuel éclat, dans ces fêtes de la
cour où les yeux de madame de Sévigné, pleins de tendresse
et d’admiration, ne se détachaient point de sa fille. Madame de
Sévigné avait alors trente-cinq ans ; mais elle avait gardé toute
sa fraîcheur :
- Et toujours fraîche et toujours blonde,
- Vous vous maintenez par le monde,
comme lui écrivait un jour Bussy, lui appliquant des vers de
Benserade sur la lune. Elle pouvait ne pas être trop éclipsée,
même par la jeunesse de mademoiselle de Sévigné dans son
printemps. Mais elle s’oubliait elle-même ; et son seul orgueil
était l’orgueil maternel. Se souvenant de ce temps où elle aurait pu disputer les hommages à sa fille, elle disait plus tard
très-gracieusement : « Une mère encore assez jeune pour être
aimée, qui auroit après elle une fille bien plus aimable, et
qui croiroit que c’est toujours elle qu’on suit, ne trouveriez-vous point qu’on pourroit dire : oh ! que je fais de poudre ? Il
me semble que si j’avois été un peu plus sotte, j’aurois pu représenter cette mère[3]. »
Mademoiselle de Sévigné (c’était une ressemblance de plus avec sa mère} dansait admirablement. Ce talent et sa remarquable beauté la firent choisir pour danser, en 1663, dans le ballet royal des Arts. Madame de Sévigné avait eu elle-même autrefois l’honneur de danser avec le jeune roi. Bussy a mali-