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Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 1.djvu/128

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NOTICE BIOGRAPHIQUE


madame de Sévigné ne faisait autre chose que penser comme toute la cour, et « comme le plus honnête et le plus grand roi du monde. »

Les plus jolis vers que Benserade composa pour mademoiselle de Sévigné, furent ceux qu’on récita dans le ballet royal de la Naissance de Vénus, dansé par sa Majesté en 1665. Dans la dernière entrée de la seconde partie, le roi représentait Alexandre, le marquis de Villeroy Achille, le marquis de Rossan Hercule ; le duc de Saint-Aignan, qui avait donné la première idée du ballet, y figurait en Orphée, Madame en Roxane, la duchesse de Sully en Briséis, la marquise de Vibraye en Médée, mademoiselle de Sévigné en Omphale. Voici comment Omphale fut célébrée :

Blondins accoutumés à faire des conquêtes,
Devant ce jeune objet si charmant et si doux,
Tous grands héros que vous êtes,
Il ne faut pas laisser pourtant de filer doux.
L’ingrate foule aux pieds Hercule et sa massue ;
Quelle que soit l’offrande, elle n’est point reçue :
Elle verroit mourir le plus fidèle amant,
Faute de l’assister d’un regard seulement.
Injuste procédé, sotte façon de faire,
Que la pucelle tient de madame sa mère,
Et que la bonne dame, au courage inhumain,
Se lassant aussi peu d’être belle que sage,
Encore tous les jours applique à son usage,
Au détriment du genre humain[1].

Mademoiselle de Sévigné n’était que trop en vue dans ces brillants divertissements. Sa réputation y pouvait être effleurée : la faiblesse de l’orgueil maternel n’y songeait pas assez. On fit alors quelques chansons, où les assiduités du charmant Villeroy auprès de cette jeune beauté étaient interprétées malignement. On parla même d’une plus haute conquête ; quelques-uns y songeaient pour elle parmi ceux qui épiaient les caprices du roi pour les faire servir à leur fortune. Les exemples de ces turpitudes ne sont que trop communs sous ce règne : qu’on se rappelle ce que madame de Sévigné raconte

  1. Œuvres de M. de Benserade, tome II, p. 309 et 310.