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SUR MADAME DE SÉVIGNÉ.


de Villarceaux[1]. Dans l’année 1668, où les symptômes d’un refroidissement pour mademoiselle de la Valliére n’échappaient point, sans qu’on sût encore que le roi commençait à s’attacher à madame de Montespan, le duc de Rohan voulut faire tomber les regards de Louis XIV sur madame de Soubise, sa sœur, la Feuillade sur mademoiselle de Sévigné. C’est la nouvelle que mandait à Bussy celle de ses correspondantes qui s’était particulièrement chargée de le fournir de chroniques scandaleuses, madame de Montmorency. Elle ajoutait : « Mais cela est encore bien foible. » Lorsque cette lettre fut écrite, le 15 juillet 1668, on pouvait déjà savoir que, par une distinction très-propre à donner un nouvel aliment aux conjectures, madame et mademoiselle de Sévigné étaient sur la liste des dames qui, trois jours après, dans la fête magnifique donnée par le roi à Versailles, devaient prendre place au souper dont fut suivie la représentation de Georges Dandin[2]. Bussy, à sa grande honte, répondit à madame de Montmorency : « Je serois fort aise que le roi s’attachât à mademoiselle de Sévigné : car la demoiselle est fort de mes amies ; et il ne pourroit être mieux en maîtresse[3]. » C’est à regretter et à demander pardon d’avoir dit quelques mots en faveur de Bussy.

Par bonheur, mademoiselle de Sévigné avait une mère qui, lorsque Louis XIV avait dansé avec elle ou avec sa fille, pouvait avoir envie de crier : « Vive le roi ! » mais dont le dévouement à son jeune souverain avait des bornes. Mademoiselle de Sévigné elle-même était sage ; et, puisque nous avons refusé d’attribuer la sagesse de sa mère à l’indifférence, nous ne demandons pas mieux que de n’avoir pas deux mesures. Toutefois l’indifférence de mademoiselle de Sévigné était

  1. Lettre à madame de Grignan, 23 décembre 1671.
  2. Dans la relation de la fête de Versailles, du 18 juillet 1668, Félibien ne donne pas les noms de madame et de madesmoiselle de Sévigné parmi ceux des dames invitées au souper (voir les Œuvres de Molière, édition Auger, tome IV, p. 322.) Mais M. Walckenaer (IIIe partie des Mémoires, p. 90) nous apprend qu’il les a trouvés dans une autre relation plus exacte, écrite par l’abbé de Montigny, ce petit évêque de Léon, que madame de Sévigné connaissait beaucoup, et qui était, dit-elle, cartésien à brûler.
  3. Lettre du 17 juillet 1668.