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Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 1.djvu/130

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NOTICE BIOGRAPHIQUE


célèbre. La Fontaine en a pour toujours attaché la gloire un peu équivoque à son nom, dans la dédicace de cette fable du Lion amoureux[1], qui est justement du temps où toute la cour avait les yeux sur elle :


Sévigné, de qui les attraits
Servent aux Grâces de modèle,
Et qui naquîtes toute belle,
À votre indifférence près.


Ainsi, moins indifférente, elle eût été plus belle encore, il est permis en effet de penser que son indifférence n’était pas seulement cette raison, cette modestie, cette vertu, qui rendent la beauté plus achevée, et n’ont jamais plus de charme que chez une belle,


Gratior et pulchro veniens in corpore virtus,


Les bons principes que mademoiselle de Sévigné avait reçus gardaient son cœur ; mais peut-être avec trop peu de peine. Ce cœur était froid, et dans cette froideur il y avait quelque chose d’altier. « D’abord on vous craint ; vous avez un air assez dédaigneux[2], » lui disait celle qui était le moins disposée à la juger trop sévèrement.

Madame de Sévigné et sa fille, accueillies, comme nous l’avons vu, à la cour avec une faveur si remarquée, ne purent manquer d’être, dans le même temps, répandues à la ville dans le monde le plus brillant. Pour nous permettre de nommer les principaux cercles où elles parurent, les lettres de madame de Sévigné qui sont de cette époque ou qui en ont conservé quelque souvenir, ne sont pas assez nombreuses. Nous les trouvons seulement toutes deux au milieu d’amis de prédilection, disgraciés alors, mais qui avaient, dans cette disgrâce, sauvé de beaux restes de leur splendeur passée, et réunissaient une société aimable et lettrée. Madame du Plessis Guénégaud, dont le mari, secrétaire d’État, prodigieusement riche, avait été impliqué dans les concussions de Fouquet, s’était beaucoup liée avec madame de Sévigné depuis ce procès

  1. Composée en 1666, imprimée pour la première fois en 1668.
  2. Lettre du 22 septembre 1680.