Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 1.djvu/157

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
127
SUR MADAME DE SÉVIGNÉ.


langes, nièce de le Tellier, d’agir sur l’esprit de ce ministre. Elle se concertait avec l’évêque d’Uzès, oncle du comte de Grignan, dont elle admirait le bon esprit, la prudence, l’adresse, et qui fut longtemps à Paris un des meilleurs négociateurs des affaires de son neveu, et aussi avec un autre parent de M. de Grignan, son cousin germain maternel, le baron de la Garde, enfin avec le chevalier d’Adhémar. Tous réunissaient leurs efforts pour combattre le crédit puissant de l’évêque de Marseille, et pour faire trouver mauvais aux ministres « qu’un homme de sa profession voulût faire le gouverneur. » Les démarches de l’évêque étaient surveillées, ses visites matinales chez les ministres accusées comme des intrigues, ses paroles notées. Un jour, devant le roi, il avait dit du bien de M. de Grignan, mais il avait ajouté quelques mots sur sa paresse naturelle[1] ; ce fut un haro général de tous les amis du comte : son ennemi, disait-on, faisait le métier de délateur.

Lorsqu’au mois de décembre 1672, s’ouvrit, à Lambesc, l’assemblée des communautés, madame de Sévigné, comme nous le raconterons bientôt, était allée rejoindre sa fille en Provence. Outre le payement de ses gardes, qu’il demanda comme précédemment, et au lieu duquel il n’obtint cette fois encore que la gratification de cinq mille livres, M. de Grignan réclama aussi une somme pour les frais du courrier qu’il envoyait à Paris porter les délibérations des communautés. Sur ces frais de courrier, il aurait sans doute prélevé un bénéfice de quelque importance : il est au moins certain que cette affaire lui tenait au cœur. M. de Janson, en l’absence de l’évêque d’Aix, présidait l’assemblée de cette année. Il fit échouer la demande de M. de Grignan, en proposant de charger des dépêches le premier consul de la ville d’Aix, qui allant à la cour pour ses propres affaires, s’offrit pour faire le voyage à ses dépens. Dans le même temps, madame de Sévigné, qui avait accompagné M. de Grignan à Lambesc, fit un voyage à Marseille. M. de Janson quitta Lambesc, pour lui faire les honneurs de sa ville épiscopale. Il n’épargna rien pour lui préparer la plus brillante réception : festins, musique, promenades. Elle visita toute la

  1. Lettre de madame de Sévigné à madame de Grignan du 17 février 1672.