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NOTICE BIOGRAPHIQUE


dépense d’une campagne qui ne finit point ; tout le monde est au désespoir et se ruine ; il est impossible que votre fils ne fasse pas un peu comme les autres ; et de plus, la grande amitié que vous avez pour madame de Grignan fait qu’il en faut témoigner à son frère. »

Sévigné avait été rejoindre le marquis de la Trousse, qui venait d’être envoyé en Franche-Comté. Mais à peine parti, il fit demander un congé par madame de Coulanges, et l’obtint. Il était de nouveau à Paris, au mois de mai 1673. Il y mettait son séjour à profit, pour s’embarquer dans une de ces belles passions d’amoureux transi, dont s’égayaient ses amis, et qui faisait dire à M. de la Rochefoucauld que son ambition était de mourir d’un amour qu’il n’avait pas. L’objet de cette grande passion imaginaire était alors une des filles d’honneur de la reine, la jolie mademoiselle de Ludres, qui plus tard fixa un moment les regards du roi.

Lorsque madame de Sévigné revint de Provence au mois d’octobre 1673, son fils était retourné à l’armée, et se croyait à la veille d’une bataille, dont la perspective le réjouissait : car, dans ses fatigantes et ennuyeuses campagnes, il n’avait pas encore eu la bonne chance de voir les ennemis, et il avait « grande envie de mettre un peu flamberge au vent [1]. » Il était alors dans l’armée de Turenne, à Philisbourg. Cependant la saison approchait où l’on allait mettre les troupes en quartiers d’hiver ; et madame de Sévigné, qui attendait à Paris madame de Grignan, espérait que son fils y pourrait venir aussi. Il arriva avant sa sœur, le 28 décembre. Mais à peine avait-il embrassé sa mère, après une séparation de près de deux ans, qu’il reçut l’ordre de partir pour Charleroy. Il se mit en route le 4 janvier 1674, bien chagrin et maudissant un si fâcheux contre-temps et le guidonnage éternel, que les procédés peu aimables de son cousin de la Trousse, le capitaine des gendarmes-Dauphin, ne lui rendaient pas plus agréable [2]. Heureusement l’alerte, qui avait si brusquement fait

  1. Lettre de madame de Sévigné à madame de Grignan, 30 octembre 1673.
  2. Sévigné dit dans sa lettre du 29 décembre 1673, qu’il était guidon depuis cinq ans. Nous croyons que le temps lui avait paru long. il n’avait sans doute acheté cette charge qu’en 1669, après son retour de Candie.