cesser son congé, se trouva fausse. Il lui fut permis de rebrousser chemin. Il se hâta un peu lentement, parce qu’il fut arrêté
quelques jours à Sézanne par une certaine amitié. Madame de
Sévigné (c’est un trait de son indulgence maternelle, quelquefois
un peu singulière) écrivait à ce propos, qu’elle n’était pas inquiète, « parce que ce n’était point pour épouser
[1]. » Le 2 février 1674, Sévigné était de retour de sa courte campagne... de
Sézanne. « Voilà votre petit frère qui arrive, écrivait madame
de Sévigné à sa fille, arrivez donc tous à la bonne heure. » Peu
de jours après, en effet, madame de Grignan était à Paris. Madame de Sévigné put jouir pendant quelque temps du bonheur
si rare pour elle d’avoir la compagnie de ses deux enfants. On
voit par une lettre qu’elle écrivait au comte de Grignan le
22 mai 1674, qu’à cette date son fils était encore auprès d’elle.
Ce dut être bien peu de temps après qu’il reçut l’ordre de se
rendre à l’armée de Condé, qui devait arrêter en Flandre le prince
d’Orange, et à qui, au mois de juin, des renforts furent envoyés.
Sévigné était à la bataille de Senef, livrée le 11 août 1674. C’est
une de ces occasions qui comptent dans une vie militaire. Condé
y prodigua la vie de ses soldats. Peu de jours après que les détails
de cette sanglante affaire furent connus, Benserade écrivait spirituellement à Bussy : « Si on estime la gloire par la cherté,
comme on estime les étoffes, celle que vient d’acquérir M. le
Prince à ce combat est des plus belles du monde
[2] » Sévigné fut
légèrement blessé à la tête. C’était s’en tirer à bon marché ; le
danger qu’il avait couru avait de quoi faire trembler sa mère.
« C’est un miracle, écrivait-elle à Bussy, qu’il en soit revenu,
aussi bien que les quatre escadrons du roi, qui étoient postés
quatre heures durant à la portée du feu des ennemis, sans autre
mouvement que celui de se presser à mesure qu’il y avoit des
gens tués
[3]. » Bussy, en la félicitant, répondait fort bien que
cela s’appelait mener les gens à la boucherie
[4].
On a si peu de lettres de madame de Sévigné pendant l’hiver de 1674 et 1675, où sa fille était restée près d’elle, qu’il serait difficile de savoir si Charles de Sévigné put alors les ve-