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SUR MADAME DE SÉVIGNÉ.


au-dessous de sa naissance et de sa fortune [1], lui pesait. Il trouvait que c’était assez de six ans de purgatoire sous M. de la Trousse, et s’appelait lui-même, avec dépit, guidon à barbe grise. Il avait eu l’espérance un moment d’avoir le régiment du comte de Sanzei, qui avait disparu à Consaarbrück. Maintenant il cherchait à vendre sa charge de guidon, pour acheter celle d’enseigne.

Pendant qu’au milieu des tristes agitations de la Bretagne, il aidait sa mère à se distraire dans sa retraite des Rochers, la belle santé de madame de Sévigné reçut, au commencement de 1676, une pénible atteinte. Elle fut prise d’une violente attaque de rhumatisme. Pendant cette douloureuse maladie, les soins de son fils furent admirables. Nous avons de ce temps des billets de Sévigné à sa sœur, où son amitié pour sa mère et pour elle se laisse voir de la manière la plus charmante, sans aucune affectation, sans jamais chercher à faire valoir son bon cœur, et au milieu des plaisanteries qu’il ne cessait de faire pour rassurer à la fois sa chère malade et madame de Grignan. Madame de Sévigné, dont les mains étaient enflées, fit effort, aussi longtemps qu’elle put, pour tenir la plume, et pour tracer encore quelques lignes indéchiffrables qu’elle envoyait en Provence. Il y fallut bientôt renoncer, et dicter ses lettres à Sévigné devenu son secrétaire. Lorsque, après des souffrances qui avaient duré six semaines, elle fut enfin à peu près guérie, et put essayer quelques promenades avec son fils, celui-ci écrivait à sa sœur :


J’ai tant fait que nos gens sont enfin dans la plaine.


Cependant il n’avait point été la mouche du coche. Madame de Sévigné fut extrêmement touchée de son affectueuse assiduité près de son lit de douleur. Elle lui dictait ces paroles, dans une lettre à madame de Grignan : « Je voudrois que mon fils ne fût pas mon secrétaire, pour vous dire ce qu’il a fait en cette occasion. » Et quelques jours après : Le frater

  1. Les guidons étaient des officiers qui prenaient rang après les enseignes. Il y avait un guidon dans chaque compagnie d’ordonnance de la gendarmerie. C’était lui qui portait ce petit drapeau particulier aux compagnies des gendarmes et appelé aussi le guidon.