Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 1.djvu/236

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
206
NOTICE BIOGRAPHIQUE


m’a été d’une consolation que je ne vous puis exprimer ; il se connoît joliment en fièvre et en santé ; j’avois de la confiance en tout ce qu’il me disoit ; il avoit pitié de toutes mes douleurs. » Nous ne savons si ses avis sur la fièvre et sur les remèdes valaient les consolations que sa tendresse et sa gaieté savaient si bien donner ; mais il est plaisant de le voir en contestation avec sa mère pour lui faire prendre la poudre du médecin de Lorme, dont elle se trouva fort bien. « Mes enfants, s’écriait-elle avec le fatalisme qui ne l’abandonnait jamais, que vous êtes fous de croire qu’une maladie se puisse déranger ! Ne faut-il pas que la providence de Dieu ait son cours ? » Lui cependant répondait : « Voilà qui est fort chrétien ; mais prenons toujours à bon compte de la poudre de M. de Lorme. »

Madame de Sévigné, à qui le rétablissement de sa santé allait bientôt permettre de quitter la Bretagne et de retourner à Paris, y fut devancée par son fils. Voyant sa mère en état de se passer maintenant de ses soins, il la quitta à la fin de février 1676, pour aller conclure à Paris une affaire qu’il avait extrêmement à cœur, et dont on lui faisait espérer le succès : il s’agissait de la vente de cette ennuyeuse charge de guidon. Un mois après, madame de Sévigné allait le rejoindre. Le 24 mars elle quitta les Rochers, où elle était demeurée six mois, et le 3 avril elle était revenue à Paris. Elle avait déjà reçu la mauvaise nouvelle que la vente du guidon était manquée. Ce qui dut l’attrister plus encore, ce fut qu’elle n’arriva que pour voir Sévigné repartir à l’armée. Le 15 avril elle écrivait à madame de Grignan : « Je suis bien triste, le pauvre petit compère vient de partir ; il a tellement les petites vertus qui font l’agrément de la société, que quand je ne le regretterois que comme mon voisin, j’en serois fâchée. » Avouons que l’expression de ces regrets semble un peu froide, quand on se rappelle le pathétique récit qu’elle-même a fait des terribles déchirements de son cœur, toutes les fois qu’elle se séparait de sa fille. Cependant elle aimait beaucoup son fils sans aucun doute ; elle trouvait un grand plaisir dans sa compagnie ; elle était fort inquiète de lui pendant ses campagnes ; elle fut toujours la confidente très-indulgente de ses fredaines, et, mieux que cela, son affectueuse et sage conseillère ; une abdi-