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NOTICE BIOGRAPHIQUE


avaient fait au delà de leur devoir [1]. Le chevalier de Grignan, qui était aussi à l’armée, écrivait à madame de Sévigné que « le baron avait fait le fou à Aire, et qu’il s’était établi dans la tranchée et sur la contrescarpe, comme s’il eût été chez lui. » Sévigné aimait peu son métier ; mais, au besoin, il le faisait bien ; Saint-Simon lui a rendu justice, quand il a dit : « Il avoit peu mais bien servi. »

La constance n’était pas son côté brillant. Il s’ennuyait assez vite dans le service, et soupirait après sa liberté. Au mois d’octobre 1676, lorsqu’on l’envoyait sur la Meuse, un rhumatisme à la cuisse, qui ne paraît pas avoir été très-grave, lui fournit à propos le prétexte de quitter l’armée de Schomberg. Il resta à Charleville pour s’y guérir, et fit solliciter par sa mère un congé que Louvois consentait à demander au roi, mais en avertissant que le baron ferait mal sa cour et serait refusé. Cependant Sévigné partit, sans attendre le congé, et le 22 octobre il était près de sa mère à Livry, boitant tout bas, et espérant bien passer l’hiver près de maman mignonne. Sa situation était fort irrégulière. Il en plaisantait, écrivant à sa sœur : « Je suis un pauvre criminel, que l’on menace tous les jours de la Bastille ou d’être cassé... Dépêchez-vous de venir, je serai ravi de vous voir, si je ne suis pas pendu entre ci et là. » Il laissait en riant passer l’orage, n’osant plus sortir de Livry ni se montrer à Paris, lorsque la Fare, sous-lieutenant de sa compagnie, vint, à la fin de novembre, apporter la nouvelle que les ennemis se retiraient et que le guidon pouvait, sans danger, jouir de sa liberté. Trois semaines après, sa sœur arrivait elle-même à Paris. Elle put de vive voix continuer les leçons qu’elle lui faisait dans ses lettres, et dont il la raillait un peu, sur le zèle et l’exactitude qu’il faut apporter dans le service du roi.

L’interruption de la correspondance de madame de Sévigné avec madame de Grignan, tant qu’elles furent réunies, ne nous permet plus, pendant quelques mois, de suivre tous les mouvements de Charles de Sévigné. Nous le retrouvons en juin 1677, encore en congé, et avec nous ne savons quelle blessure au talon, qui ne prouve pas absolument que, depuis le mois de

  1. Lettres de madame de Sévigné à madame de Grignan, 5, 7 et 19 août 1676.