Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 1.djvu/237

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
207
SUR MADAME DE SÉVIGNÉ.


cation, poussée un peu trop loin, de l’autorité maternelle, voilà tout ce que nous trouverions à reprendre dans son amitié pour lui, un excès seulement, comme l’on voit, si sa tendresse passionnée pour madame de Grignan n’était toujours là, comme terme de comparaison.

Nous aurons tout à l’heure a revenir sur tout ce que nous aurons laissé de côté dans la vie de madame de Sévigné, depuis son retour de Bretagne en 1676. Mais, pour le moment, ne nous séparons pas encore de Charles de Sévigné. Suivons-le jusqu’au temps de son mariage, qui fut pour lui le commencement d’une nouvelle vie.

Le guidon, au mois d’avril de cette année 1676, était donc parti pour l’armée de Flandre, ou il dut arriver dans le même temps que le roi. Il se trouvait à cette journée du 10 mai où l’armée du roi et celle du prince d’Orange furent en présence, près de la ferme d’Heurtebise, et à laquelle il ne manqua rien, dit madame de Sévigné, « que la petite circonstance de se battre. » Elle trouvait qu’être resté si longtemps à la portée du mousquet valait une bataille : ce ne fut toutefois qu’un spectacle fort impatientant pour une armée sûre de vaincre [1]. Sévigné allait bientôt être dédommagé et, à défaut d’une bataille qui lui avait échappé quand il croyait la tenir, assister aux opérations sanglantes d’un siège et s’y distinguer par sa bravoure. Après le départ du roi, dans les premiers jours de juillet, il était resté en Flandre, dans l’armée de Schomberg. Madame de Sévigné s’en félicitait, la regardant comme la moins exposée. Elle savait que son fils n’était point dans les troupes que l’on avait détachées de l’armée de Flandre pour suivre le maréchal d’Humières, qui se portait sur Aire pour en faire le siège. Mais un nouveau détachement fut, quelques jours après, envoyé au maréchal, et cette fois le guidon en fut. Après cinq jours de tranchée, la ville d’Aire capitula le 31 juillet. Le chevalier de Nogent, qui en apporta la nouvelle, nomma Sévigné au roi, comme un de ceux qui s’étaient le plus fait remarquer, et au nombre de trois ou quatre qui

  1. Saint-Simon (Mémoires, tome XII, p. 389, 390- a raconté avec un jugement très-sévère sur Louis XIV, cette grande occasion manquée d’Heurtebise.