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SUR MADAME DE SÉVIGNÉ.


pourrait arriver quelque jour, qu’il se mit à pleurer [1]. » Voilà des larmes qui demandent grâce pour bien des folies et pour bien des faiblesses !

Tandis qu’il s’oubliait en Bretagne, sa présence à Paris était nécessaire, et sa mère l’y attendait avec impatience. Il fallait qu’il vînt faire sa cour pour l’arrivée de la Dauphine. Sa compagnie des gendarmes-Dauphin l’attendait. Madame de Sévigné l’excusait de son mieux, alléguant qu’elle lui avait confié le soin de ses affaires, et que ce soin l’avait jusque-là retenu. Mais M. de la Trousse, toujours peu indulgent pour lui, ne se payait pas de ces raisons, et disait à madame de Sévigné qu’elle devrait donc lui faire vendre sa charge, pour vaquer à celle de son intendant. Cependant Sévigné s’occupait bien moins des affaires de sa maison, qu’il ne s’abandonnait, sans se vouloir gêner, à son goût breton, suivant l’expression de sa mère. Il avait quitté les Rochers pour faire un voyage en Basse-Bretagne ; et tandis que M. d’Harouys l’attendait complaisamment à Nantes, pour le ramener avec lui à Paris, il demeurait un mois chez Tonquedec, alors devenu gentilhomme campagnard et dont il se proposait la vie tranquille pour modèle. Il revint un moment à Nantes, mais pria M. d’Harouys de s’en aller sans lui ; puis retourna en Basse-Bretagne faire les Rois chez Tonquedec. Il avait, pour ce bel amusement, fait quatre-vingt-dix lieues de Bretagne en plein hiver, et madame de Sévigné admirait combien il se montrait empressé de venir briller à la cour, lui qui avait tout ce qu’il fallait pour plaire ailleurs que chez les Bas-Bretons. Il arriva enfin à Paris, au mois de février 1680, auprès de sa mère, qui n’eut pas la force de le gronder beaucoup. Elle savait cependant à quoi s’en tenir sur les grands intérêts qui l’avaient retardé. Le seul soin qu’il eût donné à l’administration de ses affaires avait été d’aller au Buron [2], terre que madame de

  1. Lettre de madame de Sévigné à madame de Grignan, 1er novembre 1679.
  2. « La terre du Buron était, avant la Révolution, la seigneurie de la province de Vigneux... Le souvenir de madame de Sévigné se conserve encore dans les populations voisines sous le nom de Dame de Vigneux... La chambre qu’occupait la marquise est dans la partie la plus retirée du château ; elle est petite, de forme hexagonale, éclairée par deux fenêtres d’inégale largeur... On y voit encore les Tout, dans cette chambre, est à sa place ; vous diriez qu’elle attend celle qui l’habitait ; vous y trouvez tous ses vieux meubles. » (Nantes et la Loire-Inférieure, IIe partie. Nantes, 1850.)