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NOTICE BIOGRAPHIQUE


Sévigné possédait à quatre lieues de Nantes, abattre de beaux bois, et déloger, au grand désespoir de sa mère, les Dryades et les vieux Sylvains de ce luogo d’incantto ; tout cela pour mettre dans sa bourse quatre cents pistoles, dont il avait besoin dans ses promenades en Bretagne, et dont il ne lui restait plus un sou un mois après.

On l’avait appelé à Paris pour y remplir les devoirs de sa charge ; mais il y était à peine depuis quelques jours que les gendarmes-Dauphin eurent ordre de se rendre en Flandre. Sévigné s’en alla à Douai, s’ennuyer en garnison pendant un mois. Ses regards étaient tournés vers la Bretagne, dont il était revenu charmé, et vers Tonquedec, qu’il avait admiré « sur son pailler de province. » Il ne songeait plus qu’à se défaire de sa charge, et prétextait les dégoûts que la Trousse lui pourrait donner encore, et la crainte de se ruiner dans sa gendarmerie. Il n’avait plus soif que de son indépendance, et, pourvu qu’on lui laissât rompre sa chaîne, il disait que trois mille louis d’or dans sa cassette satisferaient toute son ambition. La glorieuse madame de Grignan était indignée de pensées si basses. Elle écrivit sévèrement à son frère, pour lui représenter combien il se manquait à lui-même. Il est probable que madame de Sévigné n’était que l’écho de sa fille, et lui renvoyait ses propres paroles, quand elle lui disait « qu’elle sentait toute l’horreur de cette dégradation. » Mais rien ne pouvait vaincre la passion de Sévigné pour sa liberté ; il confessait sans honte « la violente inclination qu’il avait de passer sa vie avec les Bretons. » Tout ce qu’il accordait à sa sœur était de ne se pas trop presser, et, l’engageant vivement à venir passer l’hiver à Paris, où lui-même était de retour, il lui disait : « J’aurai le plaisir de ne point vous faire de honte, puisque je serai encore sous-lieutenant des gendarmes de M. le Dauphin... Ne vous gâtez point l’imagination sur mon sujet ; je vous aime trop pour vouloir vous donner de certains chagrins[1]. »

Madame de Sévigné, après avoir eu quelque temps son fils

  1. Lettre du 8 mai 1680.