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SUR MADAME DE SÉVIGNÉ.


avec vérité « qu’un mot, une douceur, un retour, une caresse, une tendresse la désarmait et la guérissait en un moment[1], » et qu’elle avait bientôt oublié « toutes les marques d’éloignement et d’indifférence[2]. »

Quelles que fussent les dures épreuves auxquelles sa tendresse était soumise, le rêve de madame de Sévigné était toujours de fixer sa fille auprès d’elle, et elle eut un moment d’espérance. On commençait à croire, dans ce temps, que M. de Vendôme prendrait bientôt possession de son gouvernement de Provence : le lieutenant général eût vu ainsi la fin de son autorité. Déjà, en 1676, le gouverneur titulaire, âgé alors de vingt-deux ans, avait demandé au roi la permission d’aller, la campagne finie, administrer sa province, Mais le roi, qui connaissait sa vie dissipée et ses désordres, lui avait répondu : « Monsieur, quand vous saurez bien gouverner vos affaires, je vous donnerai le soin des miennes[3]. » En 1679, il y avait lieu de penser que, si le duc de Vendôme exprimait le même désir, il serait plus favorablement écouté. Cependant les craintes qu’avait M. de Grignan de n’être point chargé cette année de convoquer les états de Provence, ne se réalisèrent pas. Madame de Sévigné lui manda qu’assurément M. de Vendôme n’irait pas dans son gouvernement, que M. de Pomponne le lui avait dit avec plaisir[4]. Elle n’avait sans doute pas le même plaisir à le répéter. Mais madame de Grignan tenait à sa royauté ; et sa mère la servait avec zèle suivant ses goûts, tout en nourrissant le secret espoir d’être obligée bientôt par les circonstances à faire un autre usage des protections puissantes qu’elle ne négligeait pas. Tout à coup, par un revers de fortune très-imprévu, la plus solide de ces protections lui manqua. Pomponne fut frappé de disgrâce. Le 18 novembre 1679, il reçut l’ordre de se démettre de sa charge de secrétaire d’État. La fidélité d’amitié que madame de Sévigné avait montrée pour Fouquet, dans un malheur beaucoup plus grand, l’honora également dans cette chute de Pomponne. « Le malheur, comme elle l’a dit elle-même, ne la chassa pas de cette

  1. Lettre du 18 septembre 1679.
  2. Lettre du 22 septembre 1679.
  3. Lettre de madame de Sévigné du 8 avril 1676.
  4. Lettre du 13 octobre 1679.