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NOTICE BIOGRAPHIQUE


du Comtat. L’honneur espéré échappa au frère, en même temps qu’à la sœur une ressource qui lui était si nécessaire.

Le 12 août 1689, le pape mourut. Madame de Sévigné se répandit en lamentations sur le beau Comtat : « Quel séjour ! quelle douceur d’y passer l’hiver ! quelle bénédiction que ce revenu dont vous faites un si bon usage ! quelle perte ! quel mécompte !... Mon génie en fera souvent des plainte ? à notre bon duc de Chaulnes, à mesure qu’il accommodera les affaires et qu’il vous ôtera Avignon[1] » Un moment son espoir se ranima ; elle apprenait que de grandes difficultés étaient prévues dans le conclave et sur l’affaire des franchises. « Tant mieux, disait-elle, ce Comtat, cet aimable Avignon nous demeurera, pendant que le Saint-Esprit choisira un pape et que l’on fera des négociations[2] » Mais bien peu de jours après, le 6 octobre, Alexandre VIII était élu, et madame de Sévigné mandait à sa fille : « La première chose que le roi a faite avec ce nouveau pape, c’est de lui rendre cet admirable morceau, qui étoit si fort à votre bienséance[3]. »

Le duc de Chaulnes, qui, à Rome, avait fait un pape, n’avait pu, en Bretagne, faire un député. Il avait recommandé Sévigné à M. de Lavardin, qui devait tenir les états. M. de Lavardin était très-disposé à obliger madame de Sévigné ; mais on le mit dans l’impossibilité de le faire. Le maréchal d’Estrées, chargé du commandement en Bretagne, en l’absence du duc de Chaulnes, réclama contre la commission donnée au marquis de Lavardin ; il fut écouté et la tenue des états lui fut confiée. Madame de la Fayette écrivit alors de la manière la plus pressante au maréchal, pour le prier de favoriser la députation de Sévigné. On espérait d’ailleurs que M. de Chaulnes avait parlé au roi et lui avait fait approuver ce choix. Il n’en avait rien fait cependant. Madame de Sévigné fut très-blessée. Elle ne pouvait s’expliquer cette conduite. Son fils lui-même n’était pas moins ému de ce qu’il appelait l’oubli et l’indolence de M. de Chaulnes. Ses chances paraissaient à peu près perdues. Cavoie, courtisan en faveur, poussait à la députation Coëtlogon, son beau-frère. La bonne volonté qu’avait tout d’abord montrée le

  1. Lettre du 4 septembre 1689.
  2. Lettre du 18 septembre 1689.
  3. Lettre du 26 octobre 1689.