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Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 1.djvu/316

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NOTICE BIOGRAPHIQUE


résista à la ruine semée autour de lui, le sauva du dernier supplice : « Le roi, dit Saint-Simon[1], se contenta d’une prison perpétuelle. » Au temps qui nous occupe, d’Harouys était à la Bastille, où il mourut en 1699, après une longue captivité. Madame de Sévigné, toujours fidèle à ses amis malheureux, n’oublia pas qu’elle était du nombre de ceux qu’il avait si libéralement aidés. Les témoignages de sa compassion et de sa reconnaissance sont dans ses lettres ; mais ce qui marque le mieux combien d’Harouys comptait sur son cœur, c’est le récit qu’on trouve dans une lettre de madame de Coulanges, écrite après la mort de madame de Sévigné. Il avait eu, en 1696, une attaque d’apoplexie à laquelle il avait failli succomber. M. et madame de Coulanges eurent alors la permission de le visiter dans sa prison. « Le pauvre mourant, dit madame de Coulanges, parloit toujours de madame de Sévigné ; il disoit : « Si elle étoit au monde, elle seroit de celles qui ne m’abandonneroient pas[2]. »

Sévigné, guéri d’une ambition d’un moment, qui n’avait pas été heureuse, était charmé d’être « hors de la frénésie des états, » et de tous les bruyants festins de Rennes. Il se retrouvait avec délices au milieu de la tranquillité des Rochers et dans l’aimable compagnie de sa mère, Il n’avait pas plus qu’elle gardé rancune à M. de Chaulnes, dont la conduite lui était expliquée. Le duc écrivait quelquefois de Rome à madame de Sévigné : l’éloignement n’avait pas refroidi son affection. En se rendant à son ambassade, il avait passé par la Provence, et s’était arrêté à Grignan avec le petit Coulanges qu’il emmenait à Rome, et qui fut, comme l’on sait, l’historien du conclave de 1689. Madame de Grignan avait fait à l’ambassadeur une brillante réception, dans laquelle elle avait étalé toute sa magnificence. Mais, soit qu’elle ne l’eût vu qu’à travers le chagrin de cet Avignon qu’il allait lui faire perdre, soit qu’elle lui en voulût pour la députation de son frère, il n’eut pas le bonheur de lui plaire : elle l’avait trouvé pesant et de mauvaise compagnie. Madame de Sévigné s’en étonnait et ne reconnaissait pas

  1. Mémoires, tome II, p. 337.
  2. Lettre à madame de Simiane, 25 octobre 1696.