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NOTICE BIOGRAPHIQUE


dame de Sévigné dans ses lettres, fort peu regrettée de son mari, de sa famille et des Provençaux[1]. » Sans démentir ce jugement sévère dans ses notes sur le Journal de Dangeau, il le complète du moins en rendant quelque justice aux qualités séduisantes : « La beauté et plus encore l’agrément et l’esprit avoient donné de la réputation à madame de Grignan, en quoi toutefois elle étoit infiniment surpassée par madame de Sévigné, sa mère, dont le naturel, et une sorte de simplicité et de grâces, comme à la dérobée d’elle, rendoient son commerce délicieux ; elle n’avoit ni le pincé ni le précieux de sa fille. » Saint-Simon a-t-il, dans ces différents passages, jugé madame de Grignan avec cette malignité dont on l’a tant de fois accusé ? ou faut-il reconnaître avec lui qu’elle était d’un caractère peu aimable et que la beauté et l’esprit étaient ce qu’il y avait de meilleur en elle, quoique, pour ce qui est même de l’esprit, elle n’approchât point de sa mère ? Nous croyons superflu d’exprimer là-dessus notre sentiment. Il ressort trop clairement de tout ce que nous avons dit d’elle dans cette histoire, où nous souhaiterions beaucoup d’avoir été aussi vrai et aussi juste que nous avons eu la ferme intention de l’être. Il y aurait sans doute les éléments d’un jugement plus assuré, si, au lieu des quelques lettres qui nous restent d’elle, nous avions les nombreuses réponses qu’elle faisait à sa mère. Pourquoi ces réponses nous manquent-elles ? Est-ce donc le soin de la mémoire de madame de Grignan qui les a fait détruire en 1734 par madame de Simiane ? L’inspiration a été malheureuse, si elles étaient de nature à mettre dans un plus beau jour et son caractère et quelques faits de sa vie et cet amour filial dont on n’est point très-satisfait après la lecture des lettres de sa mère. Le chevalier de Perrin, dans l’avertissement de l’édition de 1754, suppose que madame de Simiane obéit à des scrupules de dévotion. Nous ne sommes pas, et nous l’avons déjà dit, de ceux qui pensent que la Cartésienne, si elle eut quelques pensées hérétiques, les confessa avec plus de liberté et de hardiesse que sa mère. En tout cas, la suppression de quelques passages aurait, de ce côté, probablement suffi à la conscience timorée de madame de Simiane. Il

  1. Mémoires, tome V, p. 21.