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Mais il n’emporta pas ni toute la vertu,
      Ni tout le bonheur de l’armée.
      Le prince, malgré ce départ,
    En eut encore une assez bonne part ;
      Car, sans laisser reprendre haleine
      Aux ennemis qu’il insulta,
      A la barbe de Caracène[1]
      Il prit Furne et l’accommoda.

Pendant qu’il fortifioit cette place, il prit ses mesures avec la cour et avec les Hollandois, pour faire le siège de Dunkerque.

      La Rochelle des Pays-Bas,
      Cette inexorable pucelle
      Eut pour mon prince des appas
      Qui le firent amoureux d’elle.
      Cet amant par mille travaux
      Ota l’accès à ses rivaux
      Tant sur la terre que sur l’onde,
      Et pressa la place si fort
      Qu’il fit douter à tout le monde
    S’il n’iroit point de Dunkerque à Nieuports[2].

Il est vrai que ce siège alla fort vite, et que sans le mauvais temps nous aurions pu entreprendre encore quelque chose de considérable.

      Sans les eaux, le froid et le vent,
      Seules ressources de l’Espagne,
      Mon prince eût poussé plus avant,
      Ces merveilles de sa campagne.
Et moi, je finirois mes récits de combats
      Et l’éloge de Son Altesse,
      En vous parlant de ma tendresse,
      Si je n’étois un peu trop las.


  1. Le marquis de Caracène, général espagnol, gouverneur de Flandre en 1659.
  2. Ville de la Flandre occidentale (Belgique), où le marquis de Caracène s’était retiré. Voyez les Mémoires de Bussy, tome I, p. 130.