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1646

*6. — DE L’ABBÉ DE MONTREUIL
À MADAME DE SÉVIGNÉ[1].

Comme votre mérite ne sauroit demeurer longtemps en un lieu sans éclat, il court un bruit que vous êtes à Paris. Je ne le saurois croire ; c’est une des choses du monde que je souhaite le plus, et ces choses-là n’arrivent point. J’envoie pourtant au hasard savoir s’il est vrai, afin qu’en ce cas je ne sois plus malade. Ce ne sera pas le premier miracle que vous aurez fait : dans votre illustre race, on les sait faire de mère en fils. Vous savez que Mme de Chantal y étoit fort sujette ; et tous les honnêtes gens qui vous voient et qui vous entendent demeurent d’accord que Monsieur son fils, qui étoit votre père, a fait un grand miracle. Je vous supplie donc, si

  1. Lettre 6. — i. Cette lettre est imprimée sans date dans les Œuvres de M. de Montreuil.. Nous sommes portés à croire, d’après la plaisanterie de la fin sur la lieutenante de Fougères, qu’elle est des premiers temps du mariage de Mme de Sévigné : voyez cependant la Notice, p. 34.

    Matthieu de Montreuil ou Montereul, qu’il ne faut pas confondre avec son frère aîné, Jean de Montreuil de l’Académie française, fut secrétaire de Daniel de Cosnac, évêque de Valence et plus tard archevêque d’Aix. Il mourut en 1692. Boileau le touche, en passant, dans sa viie Satire, composée en 1663 :

    On ne voit point mes vers, à l’envi de Montreuil,
    Grossir impunément les feuillets d’un recueil.

    On se rappelle son joli madrigal, Pour Madame la marquise de Sévigny, en jouant à colin-maillard ; il fut imprimé pour la première fois dans le recueil des Poésies choisies publié en 1653 chez Sercy :

    De toutes les façons vous avez droit de plaire,
    Mais surtout vous savez nous charmer en ce jour :
    Voyant vos yeux bandés, on vous prend pour l’Amour ;
    Les voyant découverts, on vous prend pour sa mère.