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1654 où avez-vous été pêcher ce M. le grand prieur[1], que M. de Sévigné appeloit toujours mon oncle le Pirate ? Il s’étoit mis dans la fantaisie que c’étoit sa bête de ressemblance, et je trouve qu’il avoit assez de raison. Mais dites-moi donc ce que vous pouvez avoir à faire ensemble, aussi bien qu’avec le comte de Bussy. J’ai une curiosité étrange que vous me contiez cette affaire, comme vous me l’avez promis. Mais en voici bien une autre : c’est que notre abbé[2], qui entend dire de tous côtés que l’on vous aime, se va mettre dans la tête de vous aimer aussi, tellement qu’il m’a déjà priée de vous en jeter quelques paroles par-ci par-là. Je lui ai promis de faire mes efforts, et s’il est vrai que vous aimiez ceux que j’aime, et à qui j’ai d’extrêmes obligations, je n’aurai pas beaucoup de peine à obtenir cette grâce de vous. Je vous donne le temps d’y penser, et en attendant je vous assure que vous devez être aussi content de moi, que ce jour que je vous écrivis une lettre de dix mille écus[3].

Marie de Rabutin Chantal.

Un compliment à M. Girault[4] ; je n’ai point reçu son


  1. Hugues de Rabutin : voyez la note 3 de la lettre 10. « C’étoit, dit Bussy dans ses Mémoires (tome II, p. 7), un brave gentilhomme, et qui ne manquoit pas de sens, mais il étoit brusque, et d’une politesse telle qu’une espèce de corsaire la peut avoir. » Hugues de Rabutin, né en 1588, mourut au mois de juin 1656.
  2. L’abbé Christophe de Coulanges, abbé de Livry. Voyez la Notice, p. 23.
  3. Voyez la Notice, p. 27.
  4. L’abbé Girault fut secrétaire de Ménage et devint ensuite chanoine du Mans. Le livre dont parle Mme de Sévigné pourrait être, a-t-on dit, les Miscellanea ou Mélanges de Ménage, que Girault, comme nous l’apprend Ménage lui-même dans sa préface latine, avait recueillis et mis en ordre. La seule objection, mais elle est grave, qu’on puisse faire à cette supposition, c’est que les Miscellanea parurent en 1652, et qu’on aurait attendu bien longtemps pour les envoyer à Mme de Sévigné.