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1655 porte sans vous rencontrer ; qu’il vous estimoit fort, et qu’une marque de cela étoit qu’il ne voyoit aucune femmes[1]. Je lui dis que vous m’aviez parlé de lui, que vous aviez su l’honneur qu’il vous avoit fait, et que vous m’aviez témoigné lui en être très-obligée.

Et à ce propos, Madame, il faut que je vous dise que je ne pense pas qu’il y ait au monde une personne plus généralement estimée que vous. Vous êtes les délices du genre humain : l’antiquité vous auroit dressé des autels, et vous auriez assurément été déesse de quelque chose. Dans notre siècle, ou l’on n’est pas si prodigue d’encens, et surtout pour le mérite vivant, on se contente de dire qu’il n’y a point de femme à votre âge plus aimable ni plus vertueuse que vous. Je connois des princes du sang, des princes étrangers, des grands seigneurs façon de princes, des grands capitaines, des ministres d’État, des gentilshommes, des magistrats, et des philosophes, qui fileroient pour vous si vous les laissiez faire. En pouvez-vous souhaiter davantage ? À moins que d’en vouloir à la liberté des cloîtres, vous ne sauriez aller plus loin[2].

J’oubliois de vous dire qu’il y a deux mois qu’Humières[3] disant à Nogent[4] quelque chose qui lui déplut,

  1. Au moyen d’une autre addition au-dessus de la ligne, qui est de la même main que la précédente, c’est-à-dire de Mme de Coligny, la fin de cette phrase a été ainsi corrigée dans le manuscrit : « Et qu’une marque de cela étoit l’envie qu’il avoit de vous voir, bien qu’il ne voyoit aucune femme. » Bussy avait d’abord écrit dame au lieu de femme (fame).
  2. Voyez la Notice, p. 62.
  3. Louis de Crevant d’Humières, maréchal de France en 1668. Il avait épousé, en 1653, Louise-Antoinette (selon Bussy, Marie-Anne) Thérèse de la Châtre, fille de l’auteur des Mémoires et de Françoise de Cugnac, cousine germaine de Bussy.
  4. Armand de Bautru, comte de Nogent, qui se noya au passage du Rhin en 1672.