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qu’elle défit hier le Louvre à plate couture : ce qui donne une si terrible jalousie aux belles qui y sont, que par dépit on a résolu qu’elle ne sera point des après-soupers, qui sont gais et galants, comme vous savez.

Mme de Fiennes[1] voulut l’y faire demeurer hier ; mais on comprit par la réponse de la Reine qu’elle pouvoit s’en retourner[2].

Le prince d’Harcourt[3] et la Feuillade[4] eurent querelle avant-hier chez Jeannin[5]. Le prince disant que le chevalier de Gramont[6] avoit l’autre jour ses poches pleines d’argent, il en prit à témoin la Feuillade, qui dit que cela n’étoit point, et qu’il n’avoit pas un sou. « Je vous dis que si. — Je vous dis que non.. — Taisez-vous, la Feuillade. — Je n’en ferai rien. » Là-dessus le prince lui jeta une assiette à la tête, l’autre lui jeta un couteau ; ni l’un ni l’autre ne porta. On se met entre-deux, on les fait embrasser ; le soir ils se parlent au Louvre, comme si de rien n’étoit. Si vous avez jamais vu le procédé des académistes[7] qui ont campos, vous trouverez que cette querelle y ressemble fort.

  1. C’était le nom de sa maison. On l’appeloit Mlle de Fruges avant son mariage avec Deschapelles, fils de la nourrice de la reine d’Angleterre, dont elle ne porta jamais le nom. Voyez les Mémoires de Mademoiselle. tome III. P. 263. et ceux de Montglas, tome LI. p. 57.
  2. M. Walckenaer (tome II, p. 55 et suivantes) donne un tout autre motif de l’exclusion de la duchesse de Roquelaure.
  3. Charles de Lorraine, IIIe du nom, du vivant de son père prince d’Harcourt (Bussy écrit de Harcour). Voyez la note 3 de la lettre 26.
  4. François, vicomte d’Aubusson, duc de la Feuillade, pair et maréchal de France en 1675. Voyez la lettre du 20 juillet 1679.
  5. Nicolas Jeannin de Castille, trésorier de l’Épargne, petit-fils par sa mère du président Jeannin.
  6. Le chevalier, plus tard comte de Gramont, le héros des Mémoires d’Hamilton, servit de bonne heure comme volontaire sous Condé et sous Turenne. Il mourut en 1707, à l’âge de quatre-vingt-six ans.
  7. On appelait ainsi les jeunes gens qui, leurs études terminées,