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1656

39. — DU COMTE DE BUSSY RABUTIN
À MADAME DE SÉVIGNÉ.

Le Tellier me manda qu’il feroit souvenir M. le Cardinal de moi pour servir sur la frontière cet hiver. Cependant je n’en ouïs plus parler, et je l’allai passer à Paris.

La campagne de 1656 ayant commencé par le siège de Valenciennes, j’écrivis à la marquise cette lettre.

Au camp devant Valenciennes, ce 9e juillet 1656.

Il y a six jours que je suis ici, Madame ; vous avez pu voir une lettre que j’écrivois à notre ami Corbinelli du jour que j’arrivai. Les choses sont quasi en même état ; nous n’avons guère avancé depuis. Vous aurez déjà pu savoir la mort de trois capitaines aux gardes, et de quantité d’officiers que vous ne connoissez pas ; la blessure du chevalier de Créquy[1] à la tête, et du marquis de Sillery[2] à la mâchoire, du marquis de Lauresse au bras, et de Molondin[3] à la jambe.

La nuit du 7 au 8, les ennemis vinrent sur les onze heures à nos lignes, d’abord du côté des Lorrains, et peu de temps après au quartier de Picardie, et cela pour reconnoître notre contenance, et pour nous fatiguer par de petites alarmes, car il ne parut point d’infanterie. Le matin du 8e, il sortit trois escadrons de la ville sur le quartier des Lorrains, et comme tout le monde y courut, un cavalier des nôtres se détacha, et tira de quatre pas son mousqueton à la Feuillade, et puis lui demanda : « Qui

  1. Lettre 39. — i. François de Créquy, frère cadet du duc de Créquy, lieutenant général des armées du Roi, maréchal de France en 1668.
  2. Louis Brulart, marquis de Sillery, mestre de camp d’infanterie, beau-frère de la Rochefoucauld, était fils de la vicomtesse de Puisieux, dont il est souvent parlé dans la Correspondance. Voyez la note 2 de la lettre 115.
  3. Molondin était mestre de camp des gardes suisses. Après sa blessure au siège de Valenciennes, il fut fait maréchal de camp.