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fonds[1] à nage. Le débris de cette armée, qui pouvoit être de deux mille hommes, cavalerie ou infanterie, se retira à Condé. Notre armée marcha au Quesnoy sans ordre de bataille ; nous y trouvâmes deux mille hommes qui venoient de France pour nous joindre.

Le lendemain 17e, ayant fait revue, nous trouvâmes huit mille hommes de pied, et huit mille chevaux dans l’armée de Turenne ; cinq cents chevaux, et trois cents hommes de pied dans celle de la Ferté.

Le mardi 18e, les ennemis se vinrent poster à notre vue de l’autre côté du Quesnoy, un petit ruisseau entre-deux. Leur dessein étoit, à ce que nous croyons, d’assiéger le Quesnoy si nous en eussions déjà été éloignés, ou de nous attaquer si nous eussions fait devant eux une méchante démarche ; mais malheureusement pour eux, ils nous ont trouvés bien postés, fiers, et témoignant ne respirer que la vengeance de la défaite de nos camarades.

Ce matin ils ont décampé de devant nous, et nous ont laissés douter deux heures durant s’ils ne vouloient point nous donner bataille ; mais enfin ils ont repris le chemin de Valenciennes, et nous croyons qu’ils vont faire le siége de Condé, que nous aurons bien de la peine de secourir. Voilà notre aventure, Madame, que vous ne pouvez apprendre d’ailleurs plus véritablement.

Le 17e, j’envoyai mon trompette savoir ce qu’étoit devenu la Trousse. Il revint le lendemain sans avoir pu parler à lui, mais ayant appris qu’il se portoit fort bien.

J’oubliois de vous dire que toute l’armée de la Ferté a perdu son bagage, hormis Bellefonds, qui a sauvé sa vaisselle d’argent.

  1. Bernardin Gigault, marquis de Bellefonds, l’ami de Bossuet, premier maître d’hôtel du Roi en 1663, maréchal de France en 1668. Il était neveu de Judith de Bellefonds (la mère Agnès de Jésus-Maria), prieure des carmélites, et de la marquise de Villars.