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1659 Mais, d’autre côté, j’appréhende dorénavant de le respecter un peu plus qu’il ne me seroit commode, et de n’avoir pas le cœur de mettre les pieds dedans, tant que je m’imaginerai d’y apercevoir les traces des vôtres, si bien faits, si adroits et si savants. Je pense, Madame, que tout ce que je pourrai obtenir sur moi, ce sera d’en faire faire des manchons, et encore je doute fort que j’ose y mettre les mains quand elles seront crasseuses, et que la goutte m’empêchera d’y passer l’éponge. Quoi qu’il en soit, Madame, quand mon sac me seroit devenu absolument inutile, et ne me tiendroit plus lieu que d’un ornement superflu, tant que je me souviendrai de l’aimable cause de ce changement, je n’aurai garde d’avoir regret à une perte si légère.

Je vous remercie très-humblement de vos quatre excellents portraits. Si vous étiez aussi régulière dans vos promesses de compliments, que vous l’êtes dans toutes les autres, je serois assuré que vous me feriez l’honneur de m’aimer un peu, et que vous m’estimeriez infiniment, et qu’ainsi ma fortune seroit faite, au moins en partie, car elle ne le pourroit être entièrement si vous ne retranchiez quelque chose de l’infinité de votre estime, pour en allonger votre affection, et pour la faire d’une raisonnable grandeur. Mais, Madame, il me sera plus aisé de modérer mon ambition, qu’il ne sera de la satisfaire, et dans la foiblesse où vous m’avez vu, il y aura de la prudence de choisir le plus aisé. La peinture de Mlle de Valois est la plus jolie du monde et la plus galante, et celle d’Iris n’a point reçu de louanges qu’elle ne mérite. Je croirois bien avec vous, Madame, qu’elle a été faite à plaisir ; mais je ne dirai pas comme vous : Car quel moyen d’être si parfaite[1] ? Ce car-là n’est bon que pour

  1. Voyez dans la Notice, p. 321-323, le portrait de Mme de Sé-