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1659

ceux qui ne vous virent jamais, qui ne vous ont point ouïe parler, et qui n’ont pas compris la beauté de votre esprit, sa grâce, ses charmes, sa solidité, sa douceur, et mille autres qualités qui se trouvent en vous, et qui ne se trouvent qu’en vous si bien assorties. Je sais, Madame, que vous avez sur les yeux un certain bandeau de modestie qui les empêche de voir en vous les choses comme elles y sont, et j’en suis fâché, car vous n’en êtes que plus humble, et vous en seriez plus heureuse. Souffrez, Madame, que je vous plaigne de la perte que vous y faites, et que n’ayant remarqué en vous que cela seul qui soit digne de faire pitié, je ne perde pas cette occasion de vous témoigner par ma compassion, combien je suis sensible à tout ce qui vous regarde, et par conséquent combien je suis aussi,

Madame,
Votre très-humble, etc.

J’oubliois à vous dire, Madame, que l’inconnu ne vous connoît pas assez. Je ne suis pas trop mal satisfait de ce qu’il dit de votre visage et de votre taille ; mais, bon Dieu ! s’il étoit entré bien avant dans votre âme, il y auroit bien découvert d’autres trésors que ceux dont il parle.


    vigné que composa Mme de la Fayette sous le nom d’un inconnu. Ce portrait remonte à l’année 1659, et nous donne la date de cette seconde lettre de Costar, publiée, comme la première, cette même année 1659. Mme de Sévigné, dans une lettre à sa fille du ier décembre 1675, parle ainsi du portrait de l’inconnu : « Il vaut mieux que moi ; mais ceux qui m’eussent aimée il y a seize ans, l’auroient pu trouver ressemblant. »