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1661

* 49. — DE CHAPELAIN À MADAME DE SÉVIGNÉ.

À Paris, ce 3e Octobre[1] 1661.

Qu’est-ce donc que cela, ma très-chère ? N’étoit-ce pas assez de ruiner l’État et de rendre le Roi odieux à ses peuples par les charges énormes dont ils étoient accablés, et de tourner toutes ses finances en dépenses impudentes et en acquisitions insolentes qui ne regardoient ni son honneur ni son service, et au contraire qui alloient à se fortifier contre lui, et à lui débaucher ses sujets et ses domestiques ? Falloit-il encore, pour surcroît de dérèglement et de crime, s’ériger un trophée des faveurs ou véritables ou apparentes de la pudeur de tant de femmes de qualité, et tenir un registre honteux de la communication qu’il avoit avec elles, afin que le naufrage de sa fortune emportât avec lui leur réputation[2] ? Est-ce, je ne dis pas être honnête homme, comme ses flatteurs, les Scarron, les Pellisson, les Sapho[3], et toute la canaille intéressée, l’ont tant prôné, mais homme seulement, de ceux qui ont seulement la moindre lumière et qui ne tout pas profession de brutalité ? Je ne me remets point de cette lâcheté si scandaleuse, et je n’en serois

  1. Lettre 49. — i. Dans le manuscrit d’où cette lettre est tirée il y a septembre au Lieu d’octobre. C’est évidemment une faute, puisque Foucquet ne fut arrêté que le 5 septembre. Voyez la note suivante.
  2. On avait saisi à Saint-Mandé les cassettes du surintendant Foucquet, qui avait été arrêté à Nantes le 5 septembre 1661. Ces cassettes enfermaient, outre les papiers politiques, beaucoup de lettres galantes. Parmi ces dernières, et (tout le prouve) ce n’était point leur place, s’étaient aussi trouvées des lettres de Mme de Sévigné. — Voyez les lettres suivantes, à Ménage et à Pompone, et la Notice biographique, p. 67 et suiv.
  3. On sait que le nom de Sapho désigne Mlle de Scudéry. Elle avait fait elle-même son portrait sous ce nom dans le Grand Cyrus (tome X, livre II, p. 554 et suivantes).