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Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 1.djvu/466

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1664

façon comme l’autre fois[1]. M. le chancelier[2] a recommencé à lui dire de lever la main : il a répondu qu’il avoit déjà dit les raisons qui l’empêchoient de prêter le serment ; qu’il n’étoit pas nécessaire de les redire. Là-dessus M. le chancelier s’est jeté dans de grands discours, pour faire voir le pouvoir légitime de la chambre ; que le Roi l’avoit établie, et que les commissions[3] avoient été vérifiées par les compagnies souveraines. M. Foucquet a répondu que souvent on faisoit des choses par autorité, que quelquefois on ne trouvoit pas justes quand on y avoit fait réflexion. M. le chancelier a interrompu : « Comment ! vous dites donc que le Roi abuse de sa puissance ? » M. Foucquet a répondu : « C’est vous qui le dites, Monsieur, et non pas moi : ce n’est point ma pensée, et j’admire qu’en l’état où je suis, vous me vouliez faire une affaire avec le Roi ; mais, Monsieur, vous savez bien vous-même qu’on peut être surpris. Quand vous signez un arrêt, vous le croyez juste ; le lendemain vous le cassez : vous voyez qu’on peut changer d’avis et d’opinion. — Mais cependant, a dit M. le chancelier, quoique vous ne reconnoissiez pas la chambre, vous lui répondez, vous présentez des requêtes, et vous voilà sur la sellette. — Il est vrai, Monsieur, a-t-il répondu, j’y suis ; mais je n’y suis pas par ma volonté ; on m’y mène ; il y a une puissance à laquelle il faut obéir, et c’est une mortification que Dieu me fait souffrir, et que
  1. Foucquet, après une instruction qui avait duré trois années, comparut, pour la première fois, devant la chambre de justice de l’Arsenal, le 14 novembre 1664. Il se plaça de lui-même sur la sellette. Voyez les Œuvres de M. Foucquet, tome XII, p. 335.
  2. La commission qui jugeait Foucquet était présidée par le chancelier Seguier, que sa conduite dans le procès de de Thou avait déjà rendu odieux.
  3. La copie de Troyes porte commissaires au lieu de commissions.