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1664 fallu l’entendre, contre le gré des malintentionnés ; car il est certain qu’ils ne sauroient souffrir qu’il se défende si bien. Il a fort bien répondu sur tous les chefs. On continuera de suite, et la chose ira si vite, que je crois que les interrogations finiront cette semaine.

Je viens de souper à l’hôtel de Nevers ; nous avons bien causé, la maîtresse du logis[1] et moi, sur ce chapitre. Nous sommes dans des inquiétudes qu’il n’y a que vous qui puissiez comprendre ; car pour toute la famille du malheureux, la tranquillité et l’espérance y règnent. On dit que M. de Nesmond[2] a témoigné en mourant que son plus grand déplaisir étoit de n’avoir pas été d’avis de la récusation de ces deux juges ; que s’il eût été à la fin du procès, il auroit réparé cette faute ; qu’il prioit Dieu qu’il lui pardonnât celle qu’il avoit faite[3].

Je viens de recevoir votre lettre ; elle vaut mieux que tout ce que je puis jamais écrire. Vous mettez ma mo-

  1. Lettre 59. — i. La maîtresse du logis est Mme du Plessis Guénégaud. L’hôtel de Nevers était situé près de la porte de Nesle, là où est actuellement l’hôtel des Monnaies. Henri de Guénégaud l’avait acheté en 1541, de la princesse Marie de Gonzague de Clèves, veuve du duc de Nevers.
  2. François-Théodore de Nesmond, président au parlement de Paris, était membre de la commission qui jugea Foucquet. Pendant le cours du procès il eut un érésipèle, dont il mourut le 29 novembre 1664. Le bruit courut alors que, dans son testament, il avait chargé ses héritiers de demander pardon pour lui à M. Foucquet et à sa famille, de ce qu’il avait opiné contre la récusation qu’avait faite le surintendant, de MM. Voisin et Pussort : disant qu’il n’avait émis cette opinion que pour sauver leur honneur, et d’après l’assurance qui lui avait été donnée qu’aussitôt que la chambre aurait prononcé en leur faveur, ils se récuseraient d’eux-mêmes. (Voyez les Mémoires de Conrart, tome XLVIII, p. 275.)
  3. Ce passage, depuis les mots : « (car) pour toute la famille, » avait été rejeté, dans les éditions précédentes, à la fin du morceau qui est daté du 2e décembre (voyez p. 457). La copie Amelot le met à sa vraie place.