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M. le chancelier a senti ce coup ; mais notre pauvre ami étoit échauffé, et n’étoit pas tout à fait le maître de son émotion. Ensuite on lui a parlé de ses dépenses ; il a dit : « Monsieur, je m’offre à faire voir que je n’en ai fait aucune que je n’aie pu faire, soit par mes revenus, dont M. le Cardinal avoit connoissance, soit par mes appointements, soit par le bien de ma femme ; et si je ne pouvois prouver ce que je dis, je consens d’être traité aussi mal qu’on le peut imaginer. » Enfin cette interrogation a duré deux heures, où M. Foucquet a très-bien dit, mais avec chaleur et colère, parce que la lecture de ce projet l’avoit extraordinairement touché.

Quand il a été parti, M. le chancelier a dit : « Voici la dernière fois que nous l’interrogerons. » M. Poncet[1] s’est approché, et lui a dit : « Monsieur, vous ne lui avez point parlé des preuves qu’il y a qu’il a commencé à exécuter le projet. » M. le chancelier a répondu : « Monsieur, elles ne sont pas assez fortes, il y auroit répondu trop facilement. » Là-dessus Sainte-Hélène et Pussort ont dit : « Tout le monde n’est pas de ce sentiment. » Voilà de quoi rêver et faire des réflexions. À demain le reste.

Vendredi 5e décembre.

On a parlé ce matin des requêtes[2], qui sont de peu

    gnole qui s’avançait en France sous les ordres du prince de Condé et du comte de Coligny Saligny, son lieutenant. (Mémoires de Conrart, p. 168, Mémoires de Montglas, tome L, p. 324, et Mémoires de Coligny Saligny, Paris, Renouard, 1841, in-8o, p. 440 et suivantes.)

  1. Pierre Poncet, maître des requêtes, créature du chancelier, et une des neuf voix qui opinèrent à la mort.
  2. « Le vendredi 5e décembre on lut des requêtes de M. Foucquet qui avoient été jointes. M. le chancelier vouloit qu’on y opinât ; mais M. Pussort lui ayant dit que c’étoit contre l’ordre, il s’est contenté de les faire lire, et sur chacune ayant expliqué ce que M. Foucquet prétendoit en induire, on se retira. » (Journal de d’Ormesson.)