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d’importance, sinon autant que les gens de bien y voudront avoir égard en jugeant. Voilà qui est donc fait. C’est mardi à M. d’Ormesson à parler ; il doit récapituler toute l’affaire : cela durera encore toute la semaine qui vient, c’est-à-dire qu’entre ci et là ce n’est pas vivre que la vie que nous passerons. Pour moi, je ne suis pas connoissable, et je ne crois pas que je puisse aller jusque-là. M. d’Ormesson m’a priée de ne le plus voir que l’affaire ne soit jugée ; il est dans le conclave, et ne veut plus avoir de commerce avec le monde. Il affecte une grande réserve ; il ne parle point, mais il écoute, et j’ai eu le plaisir, en lui disant adieu, de lui dire tout ce que je pense. Je vous manderai tout ce que j’apprendrai, et Dieu veuille que ma dernière nouvelle soit comme je la desire ! Je vous assure que nous sommes tous à plaindre : j’entends vous et moi, et ceux qui en font leur affaire comme nous. Adieu, mon cher Monsieur, je suis si triste et si accablée ce soir que je n’en puis plus.


61. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ
À M. DE POMPONE.

Mardi 9e décembre.

Je vous assure que ces jours-ci sont bien longs à passer, et que l’incertitude est une épouvantable chose : c’est un mal que toute la famille du pauvre prisonnier ne connoît point. Je les ai vus, je les ai admirés. Il semble qu’ils n’aient jamais su ni lu ce qui est arrivé dans les temps passés. Ce qui m’étonne encore plus, c’est que Sapho est tout de même, elle dont l’esprit et la pénétration n’a point de bornes. Quand je médite encore là-dessus, je me flatte, et je suis persuadée, ou du moins je