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1664Que dites-vous de cette modération ? C’est à cause qu’il est oncle de M. Colbert et qu’il a été récusé, qu’il a voulu en user si honnêtement. Pour moi, je saute aux nues quand je pense à cette infamie. Je ne sais demain si on jugera, ou si l’on traînera l’affaire toute la semaine. Nous avons encore de grandes salves à essuyer ; mais peut-être que quelqu’un reprendra l’avis de ce pauvre M. d’Ormesson, qui jusqu’ici a été si mal suivi. Mais écoutez, je vous prie, trois ou quatre petites choses qui sont très-véritables, et qui sont assez extraordinaires.

Premièrement, il y a une comète qui paroît depuis quatre jours. Au commencement elle n’a été annoncée que par des femmes, on s’en est moqué ; mais présentement tout le monde l’a vue. M. d’Artagnan veilla la nuit passée, et la vit fort à son aise. M. de Neuré[1], grand astrologue, dit qu’elle est d’une grandeur considérable. J’ai vu M. de Foix[2] qui l’a vue avec trois ou quatre savants[3]. Moi qui vous parle, je fais veiller cette nuit pour la voir aussi : elle paroît sur les trois heures ; je vous en avertis, vous pouvez en avoir le plaisir ou le déplaisir.

Berrier est devenu fou, mais au pied de la lettre, c’est-

  1. Mathurin de Neuré, mathématicien, ami de Gassendi, et alors précepteur des fils du duc de Longueville. Astrologue se prenoit encore quelquefois au dix-septième siècle dans le sens d’astronome ; mais dans les mots grand astrologue il y a, ce semble, à cause de leur emploi proverbial, une légère teinte d’ironie.
  2. Ce nom, à cette date, désigne sans doute Gaston-Jean-Baptiste de Foix et de Candale, duc de Rendan, qui mourut le 12 décembre de l’année suivante, ne laissant qu’une fille. Il est question de ses deux frères, dans la suite de la Correspondance. — Dans la copie de Troyes on lit « M. du Foin. »
  3. Foucquet voulut aussi voir la comète. « Un garde l’alla éveiller, suivant sa prière, pour le mener sur la terrasse de la Bastille, sur les trois ou quatre heures du matin, afin de voir la comète qui paroissoit. » (Œuvres de M. Foucquet, tome XVI, p. 337.)