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1664 s’est caché avec soin. Son camarade très-indigne Sainte-Hélène parla lundi et mardi : il reprit toute l’affaire pauvrement et misérablement, lisant ce qu’il disoit, et sans rien augmenter, ni donner un autre tour à l’affaire. Il opina, sans s’appuyer sur rien, que M. Foucquet auroit la tête tranchée, à cause du crime d’État ; et pour attirer plus de monde à lui, et faire un trait de Normand[1], il dit qu’il falloit croire que le Roi donneroit grâce ; que c’étoit lui seul qui le pouvoit faire. Ce fut hier qu’il fit cette belle action, dont tout le monde fut aussi touché, qu’on avoit été aise de l’avis de M. d’Ormesson.

Ce matin, Pussort a parlé quatre heures, mais avec tant de véhémence, tant de chaleur, tant d’emportement, tant de rage, que plusieurs des juges en étoient scandalisés, et l’on croit que cette furie peut faire plus de bien que de mal à notre pauvre ami. Il a redoublé de force sur la fin de son avis, et a dit sur ce crime d’État, qu’un certain Espagnol nous devoit faire bien de la honte, qui avoit eu tant d’horreur d’un rebelle, qu’il avoit brûlé sa maison, parce que Charles de Bourbon[2] y avoit passé ; qu’à plus forte raison nous devions avoir en abomination le crime de M. Foucquet ; que pour le punir il n’y avoit que la corde et les gibets ; mais qu’à cause des charges qu’il avoit possédées, et qu’il avoit plusieurs parents considérables, il se relâchoit à prendre l’avis de M. de Sainte-Hélène.

  1. Lettre 63. — i. Le Cormier de Sainte-Hélène était, comme nous l’avons dit, conseiller au parlement de Rouen. Il Fit son rapport le lundi et le mardi, et dit son avis le mercredi, « qui fut qu’encore que les preuves fussent assez fortes pour la conviction du péculat, pour lequel l’accusé méritoit d’être pendu, néanmoins que pour le crime d’État il étoit d’avis qu’il eût la tête tranchée. » Voyez dans les Œuvres de M. Foucquet, tome XVI, p. 338, la Relation déjà citée.
  2. Voltaire, dans l’Essai sur les mœurs (chap. 123), nie cette anecdote, dont on place d’ordinaire le théâtre à Madrid. « Le connétable de Bourbon n’alla jamais, dit-il, en Espagne. »