Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 1.djvu/533

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 503 —

1668

bien loin de craindre d’en être ridicule, je me trouvai le cœur bien fait en cette rencontre.

Cela vous soit dit sans aigreur, et sans reproches, ma belle cousine ; car je vous ai presque toujours aimée, quoi que vous aient dit ceux que vous me mandez qui savoient mieux que vous comment vous étiez avec moi. Si je ne vous avois pas aimée avant notre brouillerie, et même depuis notre réconciliation, je n’en aurois fait confidence qu’à une certaine personne que vous savez[1]. Cependant, hormis la conjoncture où je crus avoir sujet de me plaindre de vous, je ne lui en ai jamais parlé que comme de la plus jolie femme de France, ce qu’elle ne trouvoit nullement bon, et qu’elle vouloit toujours détruire par mille particularités que je vous dirai un jour : de sorte que tout ce que je pouvois faire, c’étoit de lui cacher ce que je pensois d’avantageux de vous ; mais je n’en disois point de mal ;

Et retenu par mon respect extrême,
Ma bouche au moins ne fit point de blasphème.

Vous comprenez bien, ma belle cousine, les raisons qu’on avoit de craindre que je ne vous trouvasses trop aimable ; et si vous voulez savoir celles qu’on auroit maintenant de me brouiller avec vous, c’est que, craignant peut-être quelques petits reproches de ma part (qu’on sent bien qu’on mérite, et qui pourroient faire du bruit), on seroit bien aise de m’attirer des ennemis, et de mettre les choses en état que les rieurs ne fussent pas de mon côté. Mais on a grand tort de m’appréhender : ma colère feroit trop d’honneur, et je suis trop glorieux pour me plaindre.

  1. Bussy désigne ici Mme de Montglas, dont il a été parlé plus haut (lettre 30, note 1). En le voyant disgracié, Mme de Montglas l’avait abandonné.