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Nous sommes proches, et de même sang ; nous nous plaisons, nous nous aimons, nous prenons intérêt dans nos fortunes. Vous me parlez de vous avancer de l’argent sur les dix mille écus que vous aviez à toucher dans la succession de M. de Chalon[1]. Vous dites que je vous l’ai refusé, et moi, je dis que je vous l’ai prêté ; car vous savez fort bien, et notre ami Corbinelli en est témoin, que mon cœur le voulut d’abord, et que lorsque nous cherchions quelques formalités pour avoir le consentement de Neuchèse[2], afin d’entrer en votre place pour être payé, l’impatience vous prit ; et m’étant trouvée par malheur assez imparfaite de corps et d’esprit pour vous donner sujet de faire un fort joli portrait de moi, vous le fîtes, et vous préférâtes à notre ancienne amitié, à votre nom, et à la justice même, le plaisir d’être loué de votre ouvrage. Vous savez qu’une dame de vos amies[3] vous obligea généreusement de le brûler ; elle crut que vous l’aviez fait, je le crus aussi ; et quelque temps après, ayant su que vous aviez fait des merveilles sur le sujet de M. Foucquet et le mien[4], cette conduite acheva de me faire revenir. Je me raccommodai avec vous à mon retour de Bretagne ; mais avec quelle sincérité ! vous le savez. Vous savez encore notre voyage de Bourgogne, et avec quelle franchise je vous redonnai toute la part que vous aviez jamais eue dans mon amitié. Je reviens entêtée de votre société. Il y eut des gens qui me dirent en ce temps-là : « J’ai vu votre portrait entre les mains

  1. Jacques de Neuchèse, évêque de Chalon, dont il a été parlé dans la lettre 9. Il était mort le 1er mai 1658.
  2. De l’héritier de l’évêque de Chalon. — Au sujet du fait que rappelle ici Mme de Sévigné, voyez la Notice, p. 77 et suivante.
  3. Mme de Montglas. Voyez la note 1 de la lettre 30, et la Notice, p. 79.
  4. Voyez la Notice, p. 70, 71.