Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 1.djvu/569

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 539 —

1669

pas cela pour dénigrer nos Rabutins. Hélas ! je ne les aime que trop, et je ne suis que trop sensiblement touchée de ne pas voir celui qui s’appelle Roger briller ici avec tous les ornements qui lui étoient dus ; mais il se faut consoler dans la pensée que l’histoire lui fera la justice que la fortune lui a si injustement refusée. Il ne faut donc pas que vous me querelliez, sur le cas que je fais de quelques maisons, au préjudice de la nôtre[1] : je dis seulement des Sévignés ce qui en est, et ce que j’en ai vu[2].

Je suis fort aise que vous approuviez le mariage de Grignan : il est vrai que c’est un très-bon et un très-honnête garçon, qui a du bien, de la qualité, une charge, de l’estime et de la considération dans le monde. Que faut-il davantage ? Je trouve que nous sommes fort bien sortis d’intrigue. Puisque vous êtes de cette opinion, signez la procuration que je vous envoie, mon cher cousin, et soyez persuadé que par mon goût vous seriez tout le beau premier à la fête. Bon Dieu, que vous y tiendriez bien votre place ! Depuis que vous êtes parti de ce pays-ci, je ne trouve plus d’esprit qui me contente pleinement, et mille fois redis en moi-même : « Bon Dieu, quelle différence[3] ! »


  1. Ces derniers mots, également biffés, peuvent encore se lire.
  2. On s’occupait alors en Bretagne d’une révision des titres de noblesse. Chacun produisit ses preuves ; et, par arrêt du parlement de Rennes, du 7 novembre 1670, au rapport de M. Descartes, conseiller, Charles de Sévigné fut déclaré noble, issu d’ancienne extraction noble, et maintenu dans ses qualités. (Nobiliaire de Bretagne, manuscrit de l’Arsenal.) — Cet alinéa et les deux précédents manquent dans le manuscrit de Langheac. Deux phrases plus bas, au lieu des mots : « que faut-il davantage ? » on y lit : « que diantre faut-il davantage ? »
  3. À la fin de la lettre Mme de Coligny a ajouté ce qui suit : « On parle de guerre, et que le Roi fera la campagne. Ne vous y reverra-t-on point jouer un rôle que vous avez si bien rempli ? »