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de votre tendresse pour vos amis ; mais je ne l’eusse pas fait écrire au bas de votre portrait ; car comme ces écriteaux regardent plus l’avenir que le présent, la postérité, qui prend tout au pied de la lettre, auroit eu de l’estime pour vous, et ce n’eût pas été alors mon intention de lui en donner : ainsi vous pouvez juger de quel esprit j’ai dit du bien de vous. Je vous assure, ma chère cousine, que je ne m’en lasserai jamais, et que je n’y entendrai jamais de finesse. Je voudrois bien aussi que toute l’estime que vous me témoignez vînt de votre cœur ; mais pourquoi n’en viendroit-elle pas ? Il faut que je le croie malgré ma modestie ; car je vous estime aussi, et puis l’état de ma fortune ne me permet pas de douter que mes flatteurs ne m’aient abandonné[1].

Je vous sais bon gré, ma chère cousine, du chagrin que vous avez de ne me pas voir à la cour en l’état où j’y devrois être, et il faut que je vous donne encore celui de vous ôter l’espérance que l’histoire me traite un jour mieux que n’a fait la fortune ; car enfin vous savez que comme ceux qui l’écrivent sont pensionnaires de la cour, et qu’elle se compose sur les mémoires des ministres, elle ne dira pas de moi des vérités qui après les maux qu’ils m’ont faits les feroient accuser d’injustices ; et par la même raison aussi, quand on y verra les éloges de beaucoup de héros indignes, ce seront des louanges que ces ministres auront fait donner à leur choix.


  1. Cet alinéa manque dans le manuscrit de Langheac. Il est suivi, dans la copie de Bussy, de quelques lignes écrites à la marge par Mme de Coligny. « Voilà la dernière lettre que j’ai écrite au Roi sur ces bruits de guerre. Je me suis amusé aussi à donner des leçons à mes filles : vous jugerez si je suis un bon gouverneur. » La lettre au Roi se lit dans l’édition de 1697, tome I, p. 43 et 44.