de vos traits. » En cela elle est d’accord avec un peintre moins
bienveillant, avec Bussy, qui, dans son Histoire amoureuse,
n’a pas, on le sait, flatté sa cousine, mais paraît pourtant avoir
mis dans sa peinture, j’entends dans celle de l’extérieur, assez
de vérité, quoique en appuyant sur les défauts. Les petits yeux
de différentes couleurs, l’inégalité que l’on remarquait dans
leurs prunelles et leurs paupières, et le nez carré par le bout
ne sont assurément pas tout à fait de l’invention du caustique
Rabutin. Madame de Sévigné elle-même plaisante, dans ses
lettres, sur son nez carré, qu’elle croyait retrouver chez Pauline
de Grignan, sur ses petits yeux et sur ses paupières bigarrées.
Admettons même avec Bussy, sans trop nous en scandaliser
(car nous n’avons pas les faiblesses des amours posthumes), la
bouche plate, la mâchoire comme le nez, c’est-à-dire un peu
carrée aussi ; la gorge, les bras et les mains mal taillés. Il nous
restera, d’après le satirique lui-même, « le plus beau teint du
monde, la belle couleur des lèvres ; les yeux brillants, la taille
belle, les cheveux blonds, déliés et épais, et l’aveu que l’ensemble est, à tout prendre, assez agréable. » La Sophronie de
Somaize, qui n’est autre que madame de Sévigné, est parfaitement semblable, au moins par les beaux côtés, à la peinture de
Bussy : « Elle est blonde et a une blancheur qui répond admirablement à la beauté de ses cheveux. Les traits de son
visage sont déliés, son teint est uni, et tout cela ensemble compose une des plus agréables femmes d’Athènes. » N’oublions
pas non plus la princesse Clarinte (c’est encore elle) du roman
de Clélie, avec ses yeux bleus et pleins de feu. La sincère madame de la Fayette aidant, nous n’avons plus de doute sur « la
taille admirable, la beauté et la fleur du teint. » Elle ajoute à ces
traits « une bouche, des dents et des cheveux incomparables. »
Mais ce qu’elle a certainement mieux vu et mieux exprimé
que les autres peintres, c’est que l’esprit qui animait ce visage en était la suprême beauté. « Le brillant de votre esprit,
dit-elle, donne un si grand éclat à vos traits et à vos yeux
que, quoiqu’il semble que l’esprit ne dût toucher que les
oreilles, le vôtre éblouit les yeux... Les divertissements augmentent votre beauté, lorsqu’ils vous environnent[1]. » Voilà
- ↑ Voir dans les notes, à la fin de la Notice (note 4), les trois portraits dont nous venons de parler, celui de mademoiselle de Scudéry, celui de madame de la Fayette et celui de Somaize. Nous y joignons le portrait que Bussy a donné dans son Histoire généalogigue. Corbinelli en avait fait un aussi, qui ne s’est pas retrouvé. Il était antérieur à 1661, puisque Somaize en parle dans le Dictionnaire des Précieuses : « Corbulon [Corbinelli] est illustre dans l’empire des Précieuses, pour avoir fait le portrait de Sophronie [madame de Sévigné], où il a parfaitement bien réussi, et pour être de plus son lecteur. »