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NOTICE BIOGRAPHIQUE


de ses madrigaux n’avaient rien de compromettant, quand il pouvait dire avec vérité à madame de Sévigné :

Ceux voudront malignement
Traiter de trop d’emportement
Ce commerce, pour en médire,
Ne diront pas certainement :
Telle maîtresse, tel amant
Sont faits égaux comme de cire ;
Vous êtes belle assurément,
Et je tiens beaucoup du satyre.


Marie de Chantal dut goûter l’agrément d’un commerce où il y avait beaucoup d’esprit et peu de danger. Ce fut encore un adorateur forcé de rester ami :

Je suis ami, sans être amant :
Ceux qui me donnent plus de gloire
Ont quelquefois peine à le croire[1].


Il suffisait cependant de le regarder.

On ne peut douter que bien d’autres, mieux faits pour plaire, n’aient été également séduits par la beauté et par l’esprit de la jeune orpheline. Ce qui d’ailleurs ne pouvait gâter tant de charmes et devait contribuer à attirer beaucoup d’aspirants à sa main, c’était la riche dot qu’elle possédait. Elle nous apprend qu’elle eut cent mille écus en se mariant[2], fortune très considérable alors. « Ce fut, dit Bussy, un grand parti pour le bien, mais pour le mérite elle ne se pouvait dignement assortir[3]. » Sur sa beauté il faudrait s’en rapporter à elle, n’y eût-il que son témoignage. Elle avait trop d’esprit et de bon goût pour en rien dire, s’il y avait eu quelque doute. Parlant de sa petite-fille Pauline, elle disait à madame de Grignan : « Ai-je été jamais si jolie qu’elle ? on dit que je l’étais beaucoup[4]. » Cette beauté, il est vrai, n’était pas tout à fait régulière. Madame de la Fayette le dit dans le charmant portrait qu’elle a fait de son amie : « Il manque quelque chose à la régularité

  1. Lettre en vers de Saint-Pavin à madame de Sévigné.
  2. Lettre à madame de Grignan, du 10 juin 1671.
  3. Histoire généalogique.
  4. Lettre du 6 octobre 1679.