à lui faire la cour, « sans façon, ainsi qu’il le dit, et comme
s’il n’eût jamais fait autre chose. » Nous croyons qu’avant ce
retour de Bussy la cour de la jeune veuve n’était pas déserte et
que les adorateurs avaient recommencé à s’empresser autour
d’elle. Par exemple, en juin 1652, il y a bien lieu de penser
quelque chose sur Rohan et Tonquedec, dont la vive altercation chez elle fit un grand éclat. Leur querelle put être attribuée, il est vrai, à une rancune politique de Rohan, qui
était frondeur, contre Tonquedec, partisan de la cour ; et le
prétexte allégué fut une impolitesse de ce dernier. Mais Conrart,
qui a raconté cet esclandre en grand détail[1], dit, sans hésiter,
que la véritable cause de leur animosité réciproque fut qu’ils
étaient tous deux amoureux de madame de Sévigné. Le Rohan,
dont il s’agit, est ce Henri de Chabot, qui, pour sa bonne
mine et sa belle danse, dit Bussy, avait épousé mademoiselle
de Rohan. C’était « un des hommes de France le mieux faits et
le plus agréables[2]. » Quant au marquis de Tonquedec, parent
des Rohan, nous le connaissons comme ce Breton chez qui,
bien des années plus tard, le fils de madame de Sévigné prenait des goûts de gentilhomme campagnard et s’amourachait
de la Tonquedette. Mais en 1652 ce n’était pas encore ce bon
homme que Sévigné contemplait sur son pailler de province.
Lié avec l’élégant comte du Lude, il était sans doute lui-même
un cavalier brillant. Rohan, en allant faire visite à madame de
Sévigné, le trouva dans la ruelle de la marquise, au chevet
de son lit, assis dans une chaise à bras. Tonquedec se leva à
peine, et n’offrit pas sa place au duc. Celui-ci dissimula sa colère et se contenta d’abord de se plaindre à madame de Sévigné, qui lui répondit : « Il est vrai qu’il a été bien fier. » Il
semblait y avoir dans ces paroles un peu de partialité pour
Tonquedec. Le dépit de Rohan s’en accrut, et quelques jours
après, ayant encore trouvé son rival chez madame de Sévigné,
ou le marquis breton était venu dans un carrosse du comte du
Lude, il lui adressa des paroles outrageantes. Tonquedec répondit avec hauteur. La scéne devenait effrayante. Henriette
de Coulanges, marquise de la Trousse, tante de madame de
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NOTICE BIOGRAPHIQUE